22 janv. 2008

Une balle b sort du revolver

r au temps t et atteint

au cerveau c le philosophe analytique pa au temps t[1].



De l’Organisation par le fait

Nous sommes dangereux, semblerait-il… Pour qu’on nous colle au cul l’escouade tactique à chaque manif, pour que les coches fassent une simulation d’une prise d’otage d’un recteur à l’université Laval, ça doit être qu’on met en péril quelque chose. On dirait bien que ce qui s’est passé en novembre 2007 relevait de la concertation internationale, en France c’était la foutue même chose qui a eu lieu. Faut pas faire les cons, il y a quelque chose de gros qui est en train de se tramer, pas seulement une putain de hausse des frais. Allons-donc! Un foutu anti-émeute ça fait 130$ l’heure, t’utilises pas ça pour rien.

En fin de compte, peut-être qu’on l’est, dangereux. Faut pas se leurrer, les étudiants sont la principale menace qui pèse sur l’ordre interne des pays occidentaux depuis l’enivrement des travailleurs à la télévision, au bungalow et aux fonds de solidarité syndicaux. Plus même que la menace soviétique ou islamique, altérités nécessaires au roulement à la fois de l’industrie militaire et de l’unité identitaire (« nous » contre « eux »), celle des étudiants vise la possibilité même de survie du système. La révolte des enfants de l’establishment, qui est censé hériter de l’exercice réel du pouvoir, met en suspends la nécessaire passation du flambeau visant la reproduction de la formation sociale. La prise de conscience par la jeunesse du caractère intrinsèquement violent du pouvoir qui lui est promis est un danger contre lequel on ne peut pas simplement opposer une force brute. On peut bien barrer le chemin à la révolte estudiantine, on mourra certainement avant elle, et là elle fera ce qui lui chante. Tu vois : la seule manière de tuer l’insubordination de l’étudiant c’est de le casser, littéralement. Il faut l’attirer à des endroits qui l’empêchent de développer son potentiel. « Casser son rhizome », casser son développement cancéreux, casser ce qu’il a de foutrement culturel, de foutrement profond. Rien de mieux que de l’obliger à se battre en batailles rangées. Rien de mieux que de l’amener sur le terrain syndical, de l’obliger à négocier. Rien de mieux que l’obliger à se choisir un chef. Rien de mieux que de lui dire qu’il doit être cohérent aux yeux de la logique primant dans le social.

Le Rhizome c’est le type de déploiement de l’herbe. Ça n’a pas de centre, ça repousse de partout quand tu le coupes. Seulement, tu peux le casser en lui mettant un Tuteur, en dirigeant son déploiement dans une certaine trajectoire. Il serait peut-être temps de réaliser qu’on peut faire un foutu lien entre la manière dont l’herbe s’organise, d’une manière si fine que les cons la qualifient de chaotique, et notre mode de déploiement politique! Tu peux parler comme un rhizome, mais tu peux aussi parler comme un arbre. Un intello ça parle comme un arbre, ça part d’un concept central pour en tirer une arborescence. Seulement, si tu lui coupe le tronc, comme toutes les théories du passé se sont éventuellement fait couper le tronc, incluant le marxisme, tu le tues. La plupart du temps, de même que l’herbe et la mauvaise herbe poussent partout naturellement, ce qui se développe en premier est de type rhizome. C’est la fameuse spontanéité anti-hiérarchique de tous les débuts, des débuts d’une révolte, des débuts d’une relation amoureuse. Alors là il peut y arriver un intello, dont le mandat sera de ramener ton rhizome à un quelconque principe premier. Il voudra faire de ton rhizome un arbre, en l’essentialisant, en l’expliquant par un concept déterminant. Le marxiste il te dira que tout ça, tout ce rhizome complexe il part de la production. Le psychanalyste te dira que ça vient de l’inconscient, et des traumatismes de papa-maman. Le fait est qu’on transformera ton rhizome en arbre, et c’aura l’air plus puissant comme truc, un tronc conceptuel solide, c’est impressionnant : mais en réalité l’arbre est plus vulnérable, quand tu coupes son centre tu le tue.

Mais aussi on peut t’envoyer un tuteur, un parasite aux apparences de pôle unificateur. Faut la lâcher cette idée d’unification par le pôle : le rhizome est déjà unifié, c’est un foutu réseau, tu te reconnectes toujours aux autres parties un jour. Le tuteur ce qu’il faut c’est diriger le rhizome en quelque part, c’est complètement subtil comme truc et ça peut t’amener à faire quelque chose que tu ne souhaitais pas au départ, par exemple servir l’ordre et le pouvoir établis. Les fascistes sont des tuteurs, ils prennent l’énergie qui grouille en bas mais, au lieu de la transformer en bloc et de la cristalliser en un principe fondateur comme le font les intellos, ils la redirigent tout en les laissant fructifier, ils peuvent même multiplier l’énergie du rhizome. Le plus souvent, la ferveur qu’ils laissent intacte est dirigée vers le conservatisme; mais elle peut également éclater en guerre cancéreuse, c’est la différence entre Mussolini et Hitler, entre Thatcher et Pol Pot. La guerre cancéreuse c’est pas une guerre rangée entre pays fondés, constitutionnels, règlementés, c’est une guerre qui met en péril l’existence même du monde.

Nous avions un beau petit rhizome en formation au début de novembre 2007 et on nous a cassés à coups de tuteurs et de principes fondateurs. Le rhizome, lui, il s’en fout du principe fondateur, il se dirige où il veut se diriger, il glisse comme une raie. Mais putain qu’on nous a cassé, non?

On nous a bombardés de simulacres, le saviez-vous? Que découvre-t-on lorsqu’on observe ce qui arrive aux universités simultanément en France et au Québec (ailleurs peut-être, j’ai pas vérifié), même si l’on reste au niveau forcément ennuyant de l’économie? On découvre la logique néo-libérale en action. L’État se déleste lui-même de la responsabilité (veut-on vraiment la lui laisser?) de l’université en bloquant ses subventions et en la plaçant sous faillite (en la tutellisant), ce qui permet l’intrusion des fonds privés dans sa forme, et donc, infailliblement, de décideurs privés dans son contenu. C’est ça qui arrive, dans une multiplication de politiques bipolaires entre l’État et les universités particulières (UQAM, UdeM et récemment UQAC et McGill), sans même passer par l’entremise des réseaux de recteurs ni même par la Loi. En France ils ont appelé ça « l’autonomie » : c’est en fait une privatisation. Vous voyez : c’est un mouvement national qui s’applique au niveau local, un peu à la manière des stratèges des affaires étrangères États-Uniens qui ont « bypassé » la ZLÉA multilatérale qui s’était faite un mauvais nom en passant des accords bilatéraux avec tous les pays particuliers d’Amérique latine. Et nous on était trop branchés sur la ZLÉA pour réagir. Cette fois, ils nous ont lancé l’hameçon de la hausse des frais de scolarité. Truc grave certes, c’est cher, mais bon s’ils haussent aussi les prêts et bourses comme du monde c’est pas la mer à boire. Et en même temps ils font tout chier au niveau local en mettant toutes les universités au pilori. L’ASSÉ, « arbre » dont la charte amène à mettre beaucoup d’importance au principe directeur de « gratuité scolaire », et à la « lutte nationale », s’est branchée sur cette hausse. On s’est rué sur les CÉGEPS et ils s’en tapaient : et pourquoi on ne se taperait pas d’eux nous-mêmes? Ils étaient 60 000 en 1968 et 200 000 en 2005, est-ce que c’est vraiment ça qui est important? De toute façon, l’État pourrait très bien abolir les frais de scolarité et hausser les frais afférents à 3000$/session en proclamant la gratuité scolaire. On paierait ainsi nos frais à l’université et au privé alors, pas à l’État. À qui on s’adresserait alors? Serait-on d’autant plus des « travailleurs intellectuels » que nous évoluerions dans des institutions privées? Autant de questions de merde auxquelles un rhizome se fout de répondre. Le rhizome s’adresse à tout le monde, à l’université, à l’État, au camarade, au collègue, au voisin et à sa propre mère.

Vous voyez, c’est une question stratégique. On pourrait peut-être penser à ce déplacement du lieu du pouvoir qui s’opère partout. L’État a toujours été, à des degrés plus ou moindres, à la merci du pouvoir économique. Mais ce qui arrive aujourd’hui, c’est qu’il est en train d’abandonner ce qui justifiait son existence à l’origine, le Droit, pour ne devenir que ce qu’il a toujours été, du pouvoir décisionnel pur. Les néo-libéraux, desquels il ne faut pas sous-estimer l’importance, revendiquent la privatisation du droit, et la conservation pour l’État de la seule fonction de Police. On est déjà pas mal là-dedans, dans l’Empire mondialisé de ce con de Negri, dans laquelle les armées sont toujours des polices intérieures puisqu’il n’y a plus d’extérieur. Si nous apprenons ce genre de trucs dans nos cours, peut-être vaudrait-il mieux en prendre compte dans notre lutte. Revendiquons-nous quelque chose de l’État, qu’est-ce qu’il a à foutre de nous? L’organisation du monde passe de l’axe État/institutions à l’axe International/Local : le Québec suit la grande marche. Si l’État, déjà qu’il ne nous a jamais été favorable, n’est que la police de la finance internationale, peut-être vaut-il mieux s’adresser directement à l’international, à ce qui se passe partout, sans se contenter d’envoyer une lettre d’appuis aux étudiants Croates ou à Sud-Étudiants? Et peut-être vaudrait-il mieux ne plus s’organiser en arbre syndical national contre le tuteur mais tenter d’empêcher notre rhizome de se faire tutelliser, de garder le sens qui émane nécessairement de notre volonté commune de faire grève et l’étendre : s’étendre naturellement comme le gazon?

Il importe déjà de ne pas se leurrer en croyant que la coordination, plus que nécessaire, entre toutes les luttes locales, entre tous les foyers de résistance étudiantes et non-étudiantes, doit se faire par le haut. Surtout lorsqu’on considère qu’elle se fait toujours, d’elle-même, lorsqu’on ne s’accroche pas à un pôle local, mais qu’on s’étend horizontalement, en s’adressant à Tout et Tous et Toutes. Les Français, toujours un peu en avance dans la militance ces connards, ont compris qu’il valait mieux faire une grève de non-syndiqués et de sans-papiers que de syndiqués et de papiers. Ils ont compris que les non-syndiqués partent en grève sans coup d’envoi, sans mot d’ordre, et qu’ils augmentent ainsi leur capacité à mobiliser tous les « sans-quoi-que-ce-soit », les vies nues. Les vies nues ont pour alliés ceux qui se foutent à poil et ceux qui dénudent les tuteurs qui viennent nous récupérer depuis toujours.

Ah oui, j’oubliais : IL SERAIT FRANCHEMENT TEMPS QU’ON SE CONSULTE VRAIMENT SUR CE QUI EST RADICALEMENT NOUVEAU DANS LE TRAITEMENT QU’ON NOUS A OFFERT EN NOVEMBRE. Notamment : l’abolition du droit de grève. On n’a plus le droit, ni ici ni en France, d’occuper les facultés, cela relève désormais de l’intrusion dans un lieu privé. La police entre dans l’université comme dans un moulin, alors que c’était inconcevable jusque-là. En France, il y a des CRS en civil qui squattent les cours pour identifier les casseurs, à l’UQAM les gardiens de sécurité ont fiché tous les grévistes. L’événement de Corbo est à ce chapitre évocateur. On devrait peut-être s’interroger sur le fait que Corbo, dont la notoriété en science politique provient de ses rapports pour la GRC et la SQ, s’est fait embarrer par ses Gardas dans une salle de classe. Comme si c’était un coup pendable, que c’était prévu que les coches nous rentrent dedans pour nous pomper. C’est ce qui a permis la bullshit médiatique par après, et a rendu possible le lien qu’a fait l’administration de l’Université Laval entre les grévistes et Kimveer Gill. Nous sommes ainsi également de potentiels terroristes… Ils préparent l’idée. « On appelle pas ça une grève, mais un « boycott »…Ils préparent l’idée… « L’UQAM n’est pas un lieu public »… Ils préparent l’idée. « On ne réglementera pas le Taser »…Ils préparent l’idée

Il y a souvent de ces événements qui nous montrent que la tendance du mouvement étudiant depuis 68 à vouloir se trouver un lien de filiation l’empêche de vraiment faire face stratégiquement à la situation actuelle. En 2007 faire comme en 2005, en 2005 comme en 1996, en 1996 comme en 1968, en 1968 comme en 1917, en 1917 comme en 1848, en 1848 comme en 1792, en 1792 comme à Rome. Moi aussi j’aime bien l’idée des barricades mais…ya pus de pavé!! Pendant ce temps, l’armée israélienne a une école de philosophie qui entraîne des officiers phénoménologues qui déconstruisent les visions classiques de l’espace. Au lieu de foncer directement sur les barricadés de la ruelle, ils font un trou dans la baraque et les prennent de côté. Et nous, pris avec notre vieille shitte… C’est une question stratégique, j’vous dis! Si le pouvoir change le nom du rapport social « grève » en l’appelant « boycott », pourquoi n’en changerions-nous pas le nom nous aussi, pour que ça sonne plus excitant? On a le désavantage d’être moins nihiliste que le pouvoir, de trop tenir, tels des arbres, à des bases conceptuelles dont le bonheur pour lequel nous nous battons n’a rien à foutre. Au lieu d’avoir peur du nihilisme, qui signifie seulement n’avoir aucune base apriori, pourquoi ne serions-nous pas des nihilistes pro-existence et pro-gratuité, puisque nous en sommes libres, en vertu de notre qualité de nihilistes ? La droite utilise plus de stratégies avant-gardistes de gauche que la gauche ne le fait, piquons-leur les leur!

Afin de vraiment faire de ces années et de ces lieux l’expression réelle d’une opposition vivante à la marchandisation et la policisation de l’existence, il est important de tenir en tête tous ces trucs, et d’avoir confiance en nous en l’absence d’un pouvoir. Ce n’est pas qu’il vaille mieux ne pas s’organiser, au contraire il s’agir de s’organiser réellement, sans faire rendre cette organisation artificielle, sans vraiment tenir au nom qu’on y donne mais seulement aux pratiques qui y ont lieu. Laisser se déployer le rhizome libre, c’est ce qu’on pourrait appeler l’organisation par le fait.


De l’Accessoire-femme

Voici comment on en arrive à apprendre l’existence de tels aberrations : ou bien on fait une recherche sur Wikipédia sur la culture japonaise dans un vain moment de solitude, et on découvre le large champ antropo-culturel des toilettes japonaises, puis l’on se surprend de l’existence d’urinoirs pour femmes commercialisées aux jeux olympiques de Tokyo pour des raisons de « diversité ethnoculturelle », et puis de fil en aiguille, on apprend l’existence commerciale de prothèses de vulve, appelées communément « Pee-mate » qui permet à la fille libérée de pee like a man ! Sinon, on lit un magazine urbain-branché et on tombe sur un publi-reportage de filles à franges effilées nommées Krista et Sarah qui nous vantent tout sourire et t-shirt rock déchiré en avant la « révolution féministe » du dit Pee-mate : pouvoir pisser debout, grâce à un bout de carton qui prolonge « l’insuffisance » biologique du sexe féminin, et évite ainsi aux filles l’indignité de la position accroupie-fesses à l’air, alors qu’on essayait d’avoir l’air hot dans un festival de rock.

Ainsi posé, le Pee-mate serait-il un autre gadget inutile ou vraie révolution technique du politique-très privé qui égalise les conditions genrées ? Première chose à considérer : il est clairement statué que le pee-mate permet à la femme d’accéder à l’éternel privilège masculin : pisser devant soi et debout. Une possibilité de pisser dans une position socialement acceptée partout et tout le temps. Pas de problèmes d’exposition des génitaux, pas d’abaissement. Cependant, deux constatations s’imposent tout de suite : 1 : Il est physiquement possible pour les femmes de pisser debout. Bien que le port des très masculins pantalons rend plus difficile cette pratique mondialement répandue chez les paysannes, il est bien possible pour une femme de pisser en courbant les hanches légèrement par en arrière, les jambes un peu écartées et les pantalons baissés. Évidemment, si les pantalons étaient conçus pour les femmes et que la fermeture éclair pouvait se déziper plus bas, cette pratique serait possible sans même baisser les pantalons. Ainsi, si le Pee-mate crie à la nécessité pour les femmes de pisser debout dans les toilettes publiques pour ne pas s’asseoir sur les cuvettes sales, il est démenti par la pratique effective et répandue chez les femmes de pisser semi-debout dans les toilettes publiques sans aucun problème.

Et 2 : En quoi est-ce que la position accroupie, généralement adoptée « dans la nature » par les femmes, est-elle si dégradante ou inconfortable ? Si on en vient, par nécessité de pisser, à se foutre un appendice en carton entre les jambes et pisser dans les urinoirs des hommes, en quoi serait-il inacceptable de simplement s’accroupir, comme le font justement les mâles jalousés dans la position debout ? Est-ce réellement nécessaire de se munir d’un Pee-mate, parce qu’on a peur de l’insalubrité publique ou de se faire voir à pisser debout, alors que bien d’autres solutions plus simples s’offrent aux femmes et sont depuis toujours utilisées ?

Venons en tout de suite à la chair, que se cache-t-il derrière la vibe du Pee-mate et le tablage « féministe » autour du produit ? Pourquoi tant de jeunes filles enthousiasmées ? Pourquoi une quadragénaire entrepreneuse et inventeuse du dit produit va-t-elle pisser debout en jupe sur un plateau de télé américain pour prouver le bien-fondé de son fictionnel-appendice ? L’argument principal du Pee-mate, c’est la nécessité pour les femmes de pisser comme des hommes, avec le même attirail surtout. Or, on le sait, la découverte de la différence sexuelle, et urinaire, est un moment fondateur de la formation du genre, souvent traumatisant pour la petite fille. Comme l’a montré De Beauvoir (et accessoirement mononcle Freud), c'est là que la différenciation genrée prend tout son sens : le garçon est félicité pour l’utilisation de son phallus, suprême signe d’appartenance à la communauté de ceux qui « pissent-bien ». La petite fille intériorise alors toute la portée de la position debout, possession du phallus=pouvoir, et toute la daube de socialisation patriarcale. Toute cette mise en scène féministe autour d'un faux-pénis en carton, est en fait un déni total de la femme. La femme n'a pas de pénis, une vérité si triste qu'il faut lui en foutre un faux dans les pantalons?! Et pourquoi au lieu de premouvoir le pee-mate, ces fameux inventeuses ne proneraient-elles pas plutôt l'acceptation du fait que les femmes aussi pissent, et en public, mais accroupies? Oh, mais c'est vrai, il faut surtout préserver la suprématie du sexe mâle... Alors on dénie la réalité du corps de la femme, on le déguise, on le violente, et comble du culot du système spectaculaire, on appelle cela une « avancée du féminisme ». L'avancée féministe sera quand le corps de la femme ne devra pas se cacher, se transformer, pour correspondre au corps viril...


Dans cette même errance, et surtout dans le même ton, ce merveilleux outil qu’est Internet ne finit plus de nous étonner (et de nous terrifier) sur les avancées techniques tentant de reléguer la femme à l’image d’objet. LE dernier cri, les real dolls, outils fort stimulants pour la gente masculine qui servirait, bien plus qu’à seulement utiliser des accessoires dérivés du prolongements de son bras ou du trou féminin, à bien vivre son impossibilité à toucher ce qu’il y a d’humain dans le sexe et dans l’accession au plaisir. L’homme peut maintenant vivre avec sa poupée et vivre tout ses complexes refoulés, comme celui de pouvoir enfin jouer avec une catin, ou de pouvoir posséder plusieurs de ces « jouets inanimés », évidement le viol, etc... Bien que l’objet prenne aussi des représentations masculines, celles-ci ne prennent forme que sous une animation modifiée et d’un certain point de vue ridicule. L’homme real doll, semble non pas créé pour la femme dont le vibrateur semble déjà faire des merveilles. Le real doll masculin possède un pénis en érection constante qui nous permet de le dissocier de l'état « naturel » de l'homme, ce qui ne laisse pas de marge à la femme pour les simulation, pour reproduire le regard du père dans sa relation sexuelle, les problèmes psychologiques épuisables par le real doll pour la femme se révèlent donc désuets. La real-doll femme, quant a elle, prend plutôt la forme qu’elle devrait avoir, belle, plastique, mince, parfois infantile, soumise, causant presque plus de problèmes qu’elle ne devrait en causer vivante. Lourde a porter, on doit l’habiller, elle ne fait pas les repas, et a besoin de réparations.

La mise en scène proposée par les auteurs d’un reportage découvert dans la même mouvance que le pee-mate et les toilettes japonaises, nous présentait ici 5 messieurs de diverses cultures et pays vivants tous avec les mêmes stigmates. Ils semblent présenter une indéfinissable blessure face au monde englobant du féminin. Ils affirment tous ne pas pouvoir « fourrer quand ils le veulent », vivent avec leur mère (ou ne touchent plus à sa chambre depuis sa mort), et dès qu’ils se procurent une poupée, ils leur en faut plus qu’une. Dejà un problème du type socio-économique se présente ici : ces jolies poupées coûtent environ 8 000$ beaux dollars, il faut travailler comme un con et être vraiment seul pour se les permettre. Bien au-delà de ça, ou pas si loin finalement, la poupée sent le cadavre et transpose l’idée de mort. Elle la propose, elle refuse l’humanité à la femme, et aussi à son propriétaire, bien que pour eux il semble tout à fait normal de vivre et de fourrer avec des reals dolls, qui fuck NE SONT PAS RÉELLES. Le rapport à la real-doll leur enlève leur propre agencement au sein de l’humanité. Ces produits que certains appelle louables, fantastique pour l’homme qui n’a pas le temps d’avoir des relations ou n’est pas capable de se croire capable d’en avoir, sont l'atteinte d'un nouveau degré d'horreur d'un système patriarcal qui a complètement pété les plombs. Quel meilleur fantasme pour la société occidentale que la real-doll, l'incarnation parfaite du rêve du corps de la femme comme chair consommable, façonnable et sans vie. La vision purement bouchère du corps de la femme diffusée dans la porno atteint ici sont appogée. Ce qui excite l'anomique qui baise sa poupée, ce n'est pas tant qu'elle lui rappelle presque la présence d'une vraie femme, non, car il n'oublie jamais que la poupée reste du cilicone. C'est précisément cela qui l'excite, de baiser un morceau de plastique qui a pris tellement la forme de ce corps féminin fantasmé et irréel qu'il en vient à presque franchir le tabou de l'imitation de la vie. Elle ressemble tellement à une femme, mais c'est une poupée qui est à moi, c'est ça qui le fait bander. Possèder l'objet mis en scène dans la porno, le corps-viande contre la femme réelle vaincue. Et à chaque fois qu'il la baise, il prend sa revanche sur les femmes réelles, celles qui avaient encore une volonté pour ne pas vouloir de lui. Regarde comment j'ai même pas besoin de toi, puisque du plastique innanimé me satisfait plus. L’homme possède de plus en plus de biens, s’en valorise, il peut maintenant entretenir une relation platonique avec du silicone bien drainé, et au pire adopter un enfant, produit de l’exploitation. L’axe du normal tombe peu à peu du côté des Caves et des dé-axés, bientôt en plus de nous épiler, de sentir la brise fraîches de montagnes, ils nous faudra séduire une poupée en plastique qui nous permettra de bien participer au monde du travail. Fourrer sera bientôt sur commande comme ces délicieuses mixtures de poulet chez Subway qui goûtent autant le poulet que j’ai envie de te fourrer en ce moment. Vous rendez–vous compte que ce sera bientôt la seule fucking liberté permise, refuser le titre d’humain de soi-même à soi-même par une surproduction que nous prenons tout notre vie à consommer, fourrer et séduire un ordinateur ou une real dolls, ne plus se compliquer la vie, ne plus faire souffrir de pauvres filles, prostituées : grâce à la real dolls plus de prostitution ! Plus de racailles dans les bars ! Plus de pauvres hommes défavorisés par la nature !

Plus d’humains.

Des subways partout, des self real-dolls.

En novembre dernier, le réputé intellectuel uqamien, Michel Freitag, se donnait en conférence devant un cercle élargi de jeunes ambitions intellectuelles. Un envoyé spécial de l'Ostie de Marde était là. Voici quelques tranches d'esprit qu'il a rapportées.

MR. FREITAG INTELLECTUEL DE SALON

L'intellectuel Freitag a un problème, il a des idées et il les aime. De profil c'est presque un allié théorique (préciser théorique est important), il déteste le capitalisme, la logique technocratique et la pensée technicienne, le marché et ses lois, il considère (comme tout pratiquant de la théorie sociale) que la vie vaut la peine d'être vécue, qu'elle suppose du collectif, et de la vie... Nous savons de quoi il parle, nous pourrions être d'accord. Mais, monsieur Freitag aime tellement les concepts qu'il s'en est fait des lunettes pour observer l'histoire. Il fait de l'histoire à partir des concepts, leur lente germination, leur apparition et développement dans l'histoire de la pensée sur la très longue durée..

J'aimerai l'avoir plus écouté dans ses longs préambules mais il remonte jusqu'au moyen-âge, à la dynamique du christianisme qui légitime la volonté humaine, prépare l'autonomie de la raison et la gloire de l'individu, tout ça sur le long terme. Il ne dit rien de nouveau ici mais c'est impressionnant quelqu'un qui va chercher les humanistes pour expliquer le capitalisme en partant du christianisme. Cela doit aider au silence religieux observé pendant tout son discours. Mais justement, pour aller chercher ses concepts, il n'y pas d'Histoire. Aucune rupture, les dynamiques étudiées vont comme l'eau de la rivière, l'homme surfe sur Héraclite... Les révoltes, révolutions, mouvements sociaux n'ont jamais eu d'impact hormis celui d'accélérer le développement que retrace Freitag. Il n'en a d'ailleurs pas parlé une seule fois, la communauté, le collectif a été complètement détruit au 19ème et ensuite d'après lui, mais toujours d'après lui sans aucune résistance ou alternative. Le mouvement social ne l'intéresse de toute façon pas beaucoup, il l'a confirmé un peu plus tard.

La logique du capitalisme est par contre très méchante, comme un « grand Tout » avançant dans l'histoire, celle-ci a pu bégayer, mais n'a jamais perdue de vue Hegel et la totalité. Il n'est pas question de rupture, même la révolution industrielle et ses bouleversements ne sont que la poursuite de dynamiques déjà en place. Freitag a le mérite de ne pas faire dans l'événementiel, la succession de dates dans son histoire à partir de concepts l'événement n'existe pas. Lorsqu'il parle de la liberté chez les grecs c'est encore du point de vue des idées et des idées seulement.. Tout les cités grecques se fondent sur un empire, une domination sur les esclaves pour commencer et sur quelques petites cités voisines ensuite.. Athènes avait une flotte immense qui lui permettait de faire payer un tribut à toutes les cités de la mer Egée. Et surtout, une cité n'avait rien en commun avec nos mégalopoles. L'idéal grec était une cité de petite taille, peu de citoyens, pour rendre possible la vie politique justement et cette liberté participative que notre intellectuel évoquait. Cette participation était rendue possible par l'agora, des amphithéâtres, des espaces permettant une discussion, et par l'esclavage pour avoir du temps libre.

De la même façon, Erasme peut être brillant humaniste, il n'a jamais connu le i-pod ou les micro-ondes. La pensée des anciens est avant tout radicalement autre, nous pouvons partager des problèmes, avoir épousé les mêmes querelles, leur monde n'est pas le nôtre. Et il est douteux que l'on puisse simplement considérer leurs idées sans tenir compte de leur réalité. D'ailleurs quand Freitag évoque la dynamique du christianisme comme sortie de l'immanence divine, on peut aussi se demander qui a commencé. Aux premiers temps du développement du commerce, l'Eglise s'oppose à l'argent et ses valeurs sociales, elle déteste le principe du prêt à intérêt. Ce n'est qu'ensuite qu'arrive la cavalerie avec Thomas d'Aquin et Pierre Olivi pour justifier théologiquement les débuts du capitalisme. Le monde a changé, il a vite trouvé ses intellectuels pour montrer que tout était normal et que rien n'avait changé. L'intellectuel Michel Freitag fait le même travail, il pleure la disparition de tout désir voire même possibilité d'un « agir » politique mais construit une belle théorie de l'inaction permanente.

Une question lui a été posée: « pourquoi n'êtes-vous pas anarchiste? »....

Remarque: il fallait une caractère héroïque pour lui poser une question, on lui offrait aussitôt la possibilité d'une réponse de 20 longues minutes minimum.. Mais c'est selon lui « une discussion ».

PARTIE CAPITALE (c'est à dire importante mais en même temps capitaliste) : Il fait aux anarchistes le même reproche qu'Horkeimer de Francfort, demander la disparition immédiate de l'Etat est idiot, il faut des médiations (et l'Etat en est une belle), passer par ces médiations pour construire une critique et une autre société puis ensuite peut être pourrons-nous faire disparaître l'Etat. Monsieur Freitag veut sauver cette médiation. Les anarchistes sont encore plus idiots aujourd'hui qu'autrefois selon lui puisque l'Etat est actuellement notre seul « rempart » contre la logique néo-libérale et toutes ses conséquences (que nous connaissons bien) sur nos vies. Pour lui, et il a raison là-dessus mais ce n'est rien de nouveau, les anarchistes se sont toujours appuyés sur des communautés fortes, liées, ce qui était le cas au 19ème siècle mais plus du tout aujourd'hui. Il donne l'exemple des paysans espagnols en 1930, des artisans qualifiés au 19ème, on peut en trouver beaucoup. Alors aujourd'hui, il faut sauver l'Etat et essayer de construire des instances mondiales autre que l'OMC, que l'ONU, qui soient réellement efficaces et légitimes. D'ailleurs cette communauté se définir selon ses mots par une « norme très stricte ».

Il affirme ensuite que pour l'action politique il y a deux solutions (mais il n'en donnera qu'une, il est bien embêté pour l'autre):

-l'action individuelle, communautaire qui tente de saboter, de ralentir, d'empêcher le système. « Mais cela prend 500 ans » (citation mot pour mot)

Il est anarchiste dans l'idéal mais dans la réalité, si l'État disparaît demain, c'est la merde, l'idéal anarchiste aujourd'hui est impossible. Nous pourrions le remercier de nous informer du haut de tous ses livres qu'une révolution anarchiste n'éclatera pas demain, que le grand soir n'arrivera pas avant longtemps. Et surtout de reprendre la théorie tant utilisée par nos ennemis (pratiques et théoriques, les vrais ennemis) de l'utopie et du réel...

C'est absolument catastrophique. Affirmer que l'action individuelle, ou communautaire, ne sert à rien est complètement fou, et irresponsable. D'une part il associe « individuelle » avec la notion d'engagement politique dans la réalité. Il adore tout opposer en bon gros dialecticien, la communauté qui impose sa norme et l'individu, individu qui de toutes façon s'oppose au collectif, on pense tout en termes binaires et on se trouve très brillant pour être si intellectuel.

Il ne prend en compte aucune production de subjectivité, rien de ce qui peut arriver dans la lutte, dans nos vies... Il faut construire des instances.. On se demande en quoi une ONU plus proche de nos idéaux va nous aider dans la vie quotidienne...

Il adore cracher (et les autres avec lui) sur les anarchistes qui veulent détruire toutes les institutions et dénoncent l'État comme une oppression envers la vie nue. Pourtant, là aussi c'est idiot, l'Etat tel que nous le connaissons existe depuis peu. Il ne possédait pas toutes les infrastructures et alliés qu'il a aujourd'hui, on ne peut pas le considérer comme ayant toujours eu la même forme et le même poids sur la vie de ses citoyens, mais c'est peut être un peu trop historique. Si l'on considère que l'Etat moderne né au 18ème et au 19ème siècle, tous les économistes et les dirigeants dès le départ réclament la liberté du marché, le libre commerce. TOUJOURS.

Cette exigence même est née avec l'économie, Adam Smith et consorts. Le « néolibéralisme» n'est pas une nouveauté radicale. Tout ce qui constitue l'Etat providence, ou les concessions économiques comme le BS, ou autre, ont été arraché par la lutte « populaire » justement. TOUTES. Des congés payés au service de santé, évidemment pas toujours sous la forme désirée, mais toujours par la lutte, ou par la menace de celle-ci. On va faire quelques concessions pour effacer les raisons d'une trop grande révolte.

Mais Freitag ne se prononce pas là-dessus. L'état est pourtant dès le départ essentiellement une instance pour administrer, pour gérer et organiser la population pour favoriser la croissance.. Et la police et l'armée.

D'ailleurs, ceux qui veulent construire des rapports de force, affronter directement la police sont le plus souvent des marxistes ou maoïstes, « on va faire tomber la bourgeoisie », qui tout comme Freitag, ont lu Hegel...

Notre intellectuel de salon ne parle pas non plus de l'oppression bien réelle que L'état peut exercer sur « certaines couches de la population » (pour parler comme un sociologue). Les immigrants clandestins et les plus pauvres ont peut être de bonnes raisons d'en vouloir à l'Etat...

Il s'entendrait bien avec Negri, lui aussi dit que L'état nation a disparu (ou est en train) et veut construire des instances mondiales, des luttes mondialisées. Negri, lui, ne tient pas à sauver L'état-nation par contre, mais je suis sûr qu'ils pourraient s'entendre. Parler de monde, d'instances mondiales, permet à ces auditeurs de qualifier notre intellectuel québécois de penseur de la totalité. Plus je vais penser gros plus je suis beau. Si j'englobe tout le réel en le sortant de toute réalité, je suis une totalité à moi tout seul.

Il pense derrière son bureau, il se dit que les militants se trompent, que ce qu'il faut c'est faire ça, tout en disant absolument n'importe quoi. En outre, toutes les luttes récentes ne veulent pas détruire L'État mais le changer, le sauver, on demande de l'éducation gratuite, des services publics.. Cela ne me paraît pas tendre vers une disparition de l'Etat.

Monsieur Freitag s'est perdu dans sa théorie, plus il se regarde penser en totalité, plus il s'éloigne de notre réalité. L'action « prend 500 ans ». Tout est dit ici, on ne sait rien du « quoi faire » ou du « comment faire ». « cela prend 500 ans ». TA GUEULE CONNARD. Même si cela prend 500 ans, cela peut amener des changements entre temps, et une vie un peu plus belle, si le pouvoir ne tombe pas d'un coup, il peut être ébranlé.


De Quelques lecteurs mécontents : lettre ouverte reçue après la parution du Volume II.

« Après la lecture de votre volume II, nous nous sommes dit que vous ne valez que de la marde. Autant au point de la valeur d'échange que de la valeur d'usage, la marde ça ne vaut rien.

Remettre en cause dans ce même numeros le fait d'aller à l'université, d'écrire, de lire, l'histoire, la dialectique, l'objectivité de la puenteur de la marde et la lutte de classe représente en profondeur le stade le plus avancé du postmodernisme. Que vous fassiez semblant de l'attaquer ne change rien. Vous en faites partie.

On peut tout à fait comprendre que vous vous opposiez à l'histoire et à la Dialectique: en lisant votre pauvre lyrisme, on peut certainement s'apercevoir que vous êtes même contre l'utilisation d'un langage intéressant et lisible. Cessez donc d'écrire pour de vrai. Votre existence au sein de la gauche n'est qu'une nuisance. Quant à votre écriture, il ne s'agit que d'un râmassis de mots mal digérés et encore moins bien recrachés.

Nous devons vous le dire: vos idées irrationnelles et franchement bizarres sont un voile face aux conditions de vie des prolétaires. Vous lire, c'est un moment du monde réellement renversé, c'est un moment du faux.

Des questions demeurent. En tant qu'anomique, en conjugant votre absence d'organisation, de principes et de valeurs communes, comment avez-vous fait pour écrire de l'Ostie de Marde? Comment comptez-vous parvenir à changer la société? La réponse, c'est que vous en avez aucune idée: vous avez écrit pour vous soulagez de vos problèmes mentaux, pour éviter le suicide et vous ne cherchez en aucun cas l'application de vos idées dans la réalité. Un conseil: contrairement à ce que vous dites dans l'article contre la lecture des philosophes décédés, vous devriez continuer à écrire, mais seulement dans votre journal intime.

En plus d'être postmoderne, vous confondez tout. Vous écrivez évidemment pour ne rien dire. Le fait qu'un ancien réfugié, devenu un marginal compliqué (un immigrant), ne fait pas en sorte qu'il deviendra un bourgeois, maître des moyens de production. Votre théorie est fausse, objectivement et statistiquement. N'importe qui peut le remarquer, à l'aide d'une simple étude géographique de Montréal. D'ailleurs, considérer un immigrant comme un marginal compliqué futur riche, c'est du racisme.[1]

Au cours des prochains mois nous tenterons de tester votre politique de publication. Vous voulez tout publier, nous serons là pour vous aider. L'absence de cohérence et le relativisme permettent à toute camelote idéologique de s'insérer dans vos rangs.

Nous allons tester votre refus de la cohérence. »

C’est ce que De L’Ostie de Marde disait déjà quelques jours auparavant lorsqu’elle avait confectionné l’affiche auto-promotionnelle suivante :



[1] NDLR : L’auteur de De l’Ostie de Marde auquel cette critique réfère est un immigrant qui faisait de l’ironie.

Camarades Étudiant-E-s

De l'ostie d'marde : contre-révolutionnaire


Récemment, une revue aux allures contestataires vous a été distribuée. Elle a été mise illégalement dans plusieurs présentoirs parsemés dans l'université.

Malgré son aspect subversif, on se rend compte dès la première lecture que leur supposé « feu aux poudres » n'est que de la poudre aux yeux. Leur engagement dans la lutte n'est que mystification servant à camoufler leur intérêt de classe.

Outre leur intellectualisme hermétique au peuple, ils jouent la politique de la langue de bois : leur démagogie n'est mise en œuvre que pour nier la lutte des classes.

Étudiant-E-s ! Ne vous laissez pas berner ! Ne lisez pas ce torchon réactionnaire ! "

De belles lignes


Avoir l’impression d’un fil de nylon enfoncé dans la peau ; un de ces petits fils tout de même doux, mais qui coupe tout de même pas mal. On pourrait aussi utiliser l’image d’un fil de nylon enrobé de diamant. Les diamants c’est beau, c’est cher, mais c’est la matière la plus effilée qu’on retrouve aux alentours. C’est vraiment ça, le point. C’est de ressentir quelque chose comme une impression de déjà vu qui fait qu’on se sent pas bien pantoute. Comme le souvenir, je sais pas, d’une tache verdâtre de rouille dans le fond d’un bain trop petit construit en hâte dans un logement construit en hâte, dans un quartier construit en attendant quelque chose, dans une ville construite pour l’instant, en attendant on sait pas quoi. Cette tache qui n’aurait pas dû être là, de rouille ou de quelque chose d’autre, elle imprime un non lieu d’être désagréable ; eh bien c’est la même chose que d’avoir une impression de ne pas être bien pantoute. Et les fils de nylon enrobés de diamant, ils sont ce qui se passe au quotidien. En bref, quand on sort dehors, dans les rues, sur le trottoir, c’est une impression de tâche verdâtre, de non lieu qui est en attendant ; derrière chaque mur qu’on regarde du trottoir, y’a au moins dix personnes qui dorment, qui bouffent ou qui fourrent, fuck !

Si j’appuie trop fort sur des cordes de nylon, j’ai un malaise cutané momentané sur la surface des doigts : rien de vraiment grave, ni de dommageable. Par contre, ça peut finir par couper. C’est la même chose avec le fait d’être dehors : rien de dommageable, rien de dangereux, jusqu’à ce que tu frottes trop fort le malaise ; c’est là que tu peux disparaître comme je sais pas quoi, peut-être comme cette tache verdâtre dans le bain. Un bonhomme criait l’autre jour : « j’ai envie de me récurer en public ».

Derrière chaque mur, derrière chaque vitre, y’a quelqu’un qui se cache, qui se terre et qui a la chienne de sa vie, constamment. Fuck ! Est-ce qu’on peut tenter d’arrêter d’émettre des sons ? Arrêtons d’émettre des sons, des putains de sons creux. Le problème avec le fait de fait de parler, c’est que souvent c’est seulement des résonances qui renvoient à quelque chose avant même qu’on ait le temps d’écouter. Tu me dis : « salut, ça va ? ». J’entends en voyant ouvrir ta bouche : « moment # 1 : étape de contact, référent code = ouverture du rituel » ; je réponds « oui, toi ? » : je n’ai rien dit, je n’ai que mis en branle le moment #2, afin que tu répondes « pas pire », ou plutôt : « moment #3=ambivalence et possibilité de mise en branle conceptuelle ; circulez ! ».

Comment ça se fait que la grande majorité des gens sont pas bien ? Pas bien du tout. Près à tuer. Je sais pas, mais tout le monde à l’air écoeuré, le moment de vide aujourd’hui, il est paisible : le quotidien est cynique et ridicule. J’ouvre le journal et je vois notre discours à nous tous mis en scène. « 80 % des gens d’HoMa réclament plus de patrouilles de police dans les petites rues la nuit ». Ça fait chier non ? Ce qui devrait se passer en fait, c’est que je journal se transformer en gros pénis avec une bouche édentée, qu’y se mette à chanter : « fuck, bande d’ostis d’cons, Léger&Léger a téléphoné à 150 ptits vieux en début d’après-midi la semaine dernière : y ont l’ostie de chienne, c’est normal qu’y veuillent plus de ti-culs hypernormés armés jusqu’aux dentiers dans des gros chars référentiels ! Vous êtes pas heureux »

Nous lisons le journal : notre parole est mise en scène. Notre parole, non pas vraiment ; notre chiffre, notre statistique vitale.

Les gens sont politisés, ils se sentent hors du pouvoir. Le pouvoir de la majorité, il est magique, le pouvoir réconfortant des petits groupuscules, il est comique. Il est comique parce qu’il est comme quelqu’un qui plante en pleine face : un mouvement mécanique qui échappe à l’agissant. En général sinon, le pouvoir est détesté. La seule façon de le faire respecter, c’est le massacre. En Occident on le connaît bien, les gens s’en foutent et le regardent avec un sourire en coin se mettre en scène et parler en leur nom. Ailleurs, on y est moins habitué, on se tue encore. Ici, il pète comme une bombe parfois, toujours une bombe. Les éléments déchaînés sont une bombe aussi. « Hey, pouvoir ! Prémunis nous contre les tornades ! »

Faut accélérer le mouvement de faillite des sons qui sont produits aujourd’hui. Tout va péter. Les cordes vont lâcher. Elles vont lâcher et on va pouvoir regarder les buildings dehors sans vouloir qu’ils s’écroulent. En jetant un œil dehors, tous ces buildings au loin sont dessinés au crayon. J’ai envie de dessiner un criss de gros temple pour les caves et d’aller y passer tout mon temps. Un temple qui serait toute la vie entière ? Non, faut pas dessiner un temple, car ce serait un temple, faut se redessiner soi-même, dessiner les autres ? Dessinons-nous tous ensemble… Tout péter, c’est ça que ça donnera. Sortir dehors et ne plus ressentir le malaise qu’on ressent quand y’a une tache de rouille verdâtre en dessous de notre cul dans un bain trop petit. C’est trop conceptuel, comme avancée ? Ne plus sentir que les cordes en diamant vont nous couper en morceaux. Se sentir libre de se sentir libre sans attacher à cette liberté un concept ou un référent. « Je me sens libre parce que j’ai fini de récurer ma chiotte=temps non programmé=temps libre=liberté ». Non y s’agit pas de ça. Et puis faudrait peut-être arrêter de projeter en avant la nécessité de trouver des nécessités. On fout pus rien pendant que le monde tourne en osti.

Fait chier non ? Tout le monde capote à divers degrés. Détruisons ce qui fait que certains arrêtent de s’enrager de vivre.

Quel(le) militant(e) es-tu?

Aujourd’hui, c’est bien connu, le politique n’est nulle part, et donc la politique est partout : tous un chacun et leurs chiens sont sur au moins un comité, sur le CA d’un organisme, sur une liste de parti, ou sur un groupe Facebook pour sauver les trèfles à quatre feuilles. Bref, vous n’avez que deux choix dans ce monde : être un militant qui se revendique comme tel, ou être un militant qui s’ignore. Mais les courants de la gauche sont de grands enfants consanguins, et le nombre de déclinaisons et de familles ne fait qu’augmenter à mesure que la gauche s’incestualise. Bref, de quelle maladie infantile du post-modernisme souffrez-vous ?

1. Votre premier émoi politique remonte à quand ?

a. En troisième année, la classe vous a exclu en ne vous passant pas le ballon dans le cours d’éduc. Vous avez pleuré et juré que plus jamais on ne vous prendrait pour un moins-que-rien.

b. À 15 ans, alors que vous voliez des bières au dépanneur asiatique du coin en vous justifiant « il n’avait qu’à rester en Chine, ce social-traitre ».

c. Quand votre père a pleuré, le soir du référendum de 95, et qu’il a déclaré « c’est vrai qu’on aurait dû s’organiser face à l’argent et au vote ethnique ».

d. Quand votre grand frère vous a fait écouter Rage Against the Machine et vous a fait découvrir la grande famille de la musique engagée. (avoir vu Braveheart fait l’affaire aussi).

e. Vous ne pouvez pas vraiment identifier Un moment fondateur de votre subjectivité politique, mais seulement retracer par téléscopage rétroactif certains affects que vous avez « nommés » comme politiques quand vous les avez assemblés comme trame narrative de votre subjectivation fractionnée.

2. Quelle est votre généalogie familiale ?

a. Enfant unique, votre mère a pris soin de vous comme si vous étiez la prunelle de ses yeux et le seul sens de sa vie. Papa était un modèle de leadership viril (soit fondateur d’une PME ou dirigeant syndical). N’empêche ce foyer protecteur, vous avez dû vous affirmer et afficher vos couleurs vers l’adolescence, ce qui a quelque peu semé le froid dans la cellule familiale.

b. Famille déchirée, très pauvre ou très riche, parents absents. Ce tableau peu réjouissant peut s’accompagner d’une forte religiosité, de tentatives d’agressions sexuelles, d’un couvre feu à 8h. Vivant en banlieue ou pire, en région, vous avez peu eu accès aux plaisirs culturelo-intellectuels, ce qui vous a obligé à vous occuper en fugues, actes de vandalisme mineurs, etc. Le reste de votre temps était occupé par Dongeon et des jeux vidéo violents.

c. Famille nombreuse, unie ou « beau divorce ». Vos parents aimaient le social, le plein air et votaient à gauche. Papa a peut-être déjà été trotskiste. On vous a inscrit aux scouts, à des équipes sportives et des activités de charité très jeune, vous avez été bénévole à la grande guignolée ou à la dictée PGL.

d. Dans votre maison du Plateau, il y avait de nombreuses babioles ethniques rapportées des voyages de vos parents, ainsi que quelques livres d’art et des vinyles. A 6 ans, maman vous a inscrit à un cours de ballet jazz, où vous avez découvert l’heureuse expression de soi. À l’école privée, vous vous êtes révoltée contre l’instrument de musique qu’on vous imposait et avez vendu votre violon pour une guitare.

e. Très tôt, vous avez craint d’être schizophrène comme votre oncle, mais votre père vous a rassuré que vos délires surréalistes étaient sains. Ancien stalinien, il a voulu que vous ne ratiez pas votre vie à cause de la politique comme lui, ce qui vous a gardé loin des partis et des dogmes. Par contre vous avez dû les quitter car leur maison en banlieue devenait une limite à votre exploration du monde.

3. Choisissez votre choix du moins pire, la vie que vous accepteriez dans le pire des cas :

a. Organiser des événements, des manifestations contre la guerre. Devenir politicien de gauche ou grand avocat des droits humains, maire d’une petite ville ou consultant d’une ONG. Passer sa vie à donner son opinion sur des tribunes publiques. Avoir une entrée sur Wikipédia.

b. Continuer à agrandir le groupe affinitaire jusqu’à ce que se présente « le grand moment », faire des petites actions isolées ; crever des pneus, passer des tracts, faire des graffitis, bref, multiplier les cellules de résistance. Faire un DEP dans un domaine qui pourrait servir stratégiquement et logistiquement l’insurrection (imprimerie, feux d'artifices).

c. Devenir permanent d’une association étudiante, avoir un rôle important de coordonateur dans une organisation surannée : commission du droit des consommateurs, amnistie internationale, oxfam québec, etc. Être invité à des tables de concertation, des commissions d’enquête et participer à des forums publics pour faire de « l’éducation populaire ».

d. Devenir prof de français, animateur communautaire, promouvoir à petite échelle la musique locale et/ou du monde ; devenir technicien de son bénévole ; donner des cours de reconnaissance des couleurs et de sensibilisation de soi à des enfants daltoniens ; organiser des festivals de films indépendants locaux et/ou du monde ; tout cela en développant un blog d’opinion citoyenne afin de laisser un héritage à la planète.

e. Devenir père au foyer qui fait de ses enfants des révolutionnaires en les désubjectivant, renversant, pour ce faire, les genres de ceux-ci ; faire des graffitis sur les murs de leur garderie ; voyager à travers le monde pour coucher avec les personnes parmi les plus exceptionnelles ; écrire des romans, refuser de les publier et les brûler après le point final.



4. Quelles sont vos activités préférées ?

a. Faire le party, se saouler à mort tout en demeurant charismatique, réussissant ainsi de même à baiser avec la plus belle fille du party. Avoir des discussions enflammées avec des grandes gueules comme vous. Monopoliser le micro dans les AG. Écrire des textes revendicateurs.

b. Regarder des vieux films de guerre, jouer à des jeux vidéos stratégico-violents, chercher des informations secrètes sur internet, planifier parfaitement une action, alimenter des conflits interpersonnels, pensant ainsi mettre à nu la latence de la lutte des classes. Passer beaucoup de temps tout seul.

c. Parler sur MSN, Facebook, au cellulaire, être en lien constant avec ses contacts, organiser des congrès, des réunions, des partys bénéfices, etc., se tenir à l’asso ou au local, organiser des games de risk ou de soccer avec des amis.

d. Aller à des shows reggaes et/ou des festivals indépendants et/ou bénéfices, visiter des galeries d’art, faire des voyages de coopération internationale, organiser des soupers thématiques avec des amis du secondaire, faire de la photo.

e. Aller à des manifs violentes, lire des essais violents, écrire de la poésie fuckée que personne ne lit, faire de l’exploration de son corps et de ses sens, seul, ou à plusieurs, faire de la récup de bouffe et concocter un excellent repas, voyager en squattant.

5. Mais que voulez-vous, en fait ?

a. Une grosse révolution, violente ou non.

b. Une insurrection prolétarienne nécessairement violente.

c. La démocratisation du pouvoir pour une révolution citoyenne.

d. Une conscientisation qui amène à une autre mondialisation.

e. La disparition du pouvoir.

RÉPONSES

a. Le « vrai ». Le vieux de la vieille.

Lévesque, Guevara, Sartre… vous êtes presque de la même farine, sauf que pour une idole, il y a mille déchus. Le déchu, c’est vous. Celui qui exerçait déjà son talent oratoire en 3e année, celui qui en a vu, le vieux de la vieille qui a tout vécu. Votre parcours romantique, que vous aimez tant raconter et raconterez aux préposés à l’hospice, c’est celui du ptit’ gars qui en veut. Sauf que vous, au lieu d’aller en marketing, vous avez choisi la cause du peuple, choisi de parler pour les autres. Tout le monde vous connait forcément dans le milieu que vous avez investi, où votre charisme et votre grosse voix ont toujours fait impression. Cependant, un jour fatal on réalisera que vous vous mettez beaucoup à l’avant scène pour quelqu’un qui n’est jamais là quand ça chie. À trop vouloir récupérer les mouvements, vous allez finir comme tous ceux qui auraient pu succéder à Lénine mais sont pas devenus Staline, tassé. À défaut de vous retrouver « leader » dans un moment historique exceptionnel, vous irez traîner votre alcoolisme de party en party à ressasser des souvenirs d’y a 10 ans avec des gens qui n’étaient pas là.

b. Le groupusculaire

Profondément anti-social, vous êtes fasciné par les images de violence, les révoltes populaires, les guerres civiles, le terrorisme. Ce qui vous intéresse en fait dans la révolution pour laquelle vous luttez, c'est la phase transitoire, celle des purges. Ainsi animé par une frustration rongeante envers tout et tous, vous éprouvez un grand besoin d'action, tout de suite et maintenant. Il faut que vous sortiez toute cette rage quelque part, mais pas n'importe où... dans une cellule de parti révolutionnaire ou bien un groupe affinitaire, « secret » de préférence, car ce type de militance permet d'agir en étant dirigé et protégé par l'anonymat du groupe. Ainsi, vous pouvez perdre énormément de temps dans votre groupe sans pour autant prendre trop de place publiquement, vous infiltrez des milieux sans vous faire remarquer. Au discours, vous préférez les stratégies d'attaque surprise, de guérilla, de ninja. Vous adorez faire la différence dans votre tête entre les « vrais » et les « faux » militants. Évidement, vous finissez par vous perdre dans la démultiplication de vos identités, puisque vous pensez qu'il vaut mieux ne jamais dire ce qu'on pense réellement sauf au « groupe » (parti). Discipline, organisation et troubles mentaux. Un jour, vous éviterez de parler de cette période de votre vie en disant « je ne m'étais pas rendu compte que c'était une secte... »

c. L’associationniste. Le bureaucrate enthousiaste.

Très jeune, vous avez compris qu'on était rien sans l'implication sociale. Après tout, la société précède l'individu... Conséquemment, vous avez décidé de « faire votre part », une grosse part. Lorsque vous vous engagez dans un projet, une association, un club d'échecs, vous finissez par habiter l'endroit tellement vous en faites. Il y a quelque chose dans la vie associative qui vous transcende, au point où vous finissez par défendre corps et âme l'association comme s'il s'agissait de votre propre vie. Vous n'en finissez plus de sacrifier votre vie privée (ou plutôt votre non-vie) pour organiser un truc, taper un procès verbal, caller un souper-réunion. Et évidement, on ricane de votre procédurite, cette manière que vous avez de toujours accorder trop d'importance aux détails. Bien sûr, toute cette implication n'est pas si gratuite, au moins elle vous permet d'avoir une certaine forme de reconnaissance sociale et institutionnelle, un peu de pouvoir. À défaut d'avoir réellement quelque chose à dire, vous débitez des tracts. D'ailleurs, c'est à se demander parfois si vous êtes encore intéressé par la cause, ou si vous êtes juste là par habitude. C'est peut-être pour cela que vous vous entendez en apparence avec tout le monde. Mais dans le fond, vous n'êtes pas bien méchant, on vous tolère parce que vous faites la job que personne ne veut faire.

  1. L’artistico-naïf-engagé

Qu'il est doux le chant de l'Africain génocidé, qu'elle est belle l'explosion, qu'il est cute l'enfant mourant du sida... Votre engagement se vit surtout dans « les yeux du coeur », vous vivez les choses bien plus que vous ne les faites. Évidement que ça vous touche le Darfour! Tellement que vous avez été voir le documentaire au cinéma. Le politique pour vous se vit surtout dans les représentations culturelles, l'action politique individuelle passe donc par l'expression personnelle: par l'art. Vous vous autoproclamez hyper-ouvert et tolérant malgré qu'en théorie, vous êtes contre le capitalisme. Quel est le problème? Bien que vous oubliez carrément que ce n'est pas en achetant du café bio-équitable ni le dernier Zebda que les choses évoluent réellement. Qu'il ne suffit pas d'avoir l'air indigné, d'écrire une chanson de 4 minutes ou d'envoyer une lettre au Devoir pour se débarrasser de la culpabilité, de la révolte, du fait que les choses restent objectivement laides malgré vos innocentes tentatives de les embellir. Finalement, vous participez autant que n'importe qui à la misère du monde, mais vous, vous pouvez vous laver la conscience en travaillant dans le communautaire et le culturel. Parfois, quand vous êtes vraiment « radical », vous descendez chez le peuple, vous lui faites un concert gratos, une expo photo ou un atelier de marionnettes. Mais au fond, vos ambitions personnelles et votre sensibilité esthétique finiront par surpasser vos préoccupations sociales, déjà très inélaborées.

  1. Le post-gauchiste

Attention, le post-gauchisme est une maladie grave, qui atteint subitement des personnes au départ disposées à un bel avenir. Pourtant des symptômes très objectifs ne trompent pas: vous avez jeté Le Capital, ou vous ne l'avez pas lu, vous aimez les lieux alternatifs, les pratiques subversives, et surtout, vous êtes foncièrement une personne complète et apte au bonheur. Ce qui est une marque incontestable de votre faux engagement politique, puisqu'il faut porter la souffrance des opprimées dans son coeur et en tout instant. Évidement, votre méfiance envers les grands discours, les partis et les leaders a fait de vous un être désagréable, qui remet tout en question avec une touche d'ironie vraiment énervante. Depuis que la maladie vous a frappé, votre esprit culbute les théories « post-modernistes » bien malgré vous et vous avez une grave tendance à la relativisation (c'est-à-dire la déformation de la vision par des parasites nihilistes qui vous empêchent de voir l'objectivité de la vérité). La fragmentation de l'identité qui en suit peut entraîner la non-reconnaissance des normes sociales, le fait de s'engager gaiement dans des activités illégales et/ou anormales, ainsi que l'adoption d'un mode de vie qui rompt avec la société. De surcroît, votre maladie n'a pas que des conséquences néfastes sur votre vie (arrêt illimité du travail...) mais aussi autour de vous: vous détruisez inexorablement l'unité de la gauche, vous ne contribuez pas à la diffusion d'un message clair et au changement social discipliné, mais au contraire à un chaos social dangereux et à la propagation d'idées anomiques. Danger pour vous même et pour la société, vous devez au plus vite consulter un marxiste et relire vos classiques avant que le néant ne vous rende totalement libre.