22 janv. 2008

Quel(le) militant(e) es-tu?

Aujourd’hui, c’est bien connu, le politique n’est nulle part, et donc la politique est partout : tous un chacun et leurs chiens sont sur au moins un comité, sur le CA d’un organisme, sur une liste de parti, ou sur un groupe Facebook pour sauver les trèfles à quatre feuilles. Bref, vous n’avez que deux choix dans ce monde : être un militant qui se revendique comme tel, ou être un militant qui s’ignore. Mais les courants de la gauche sont de grands enfants consanguins, et le nombre de déclinaisons et de familles ne fait qu’augmenter à mesure que la gauche s’incestualise. Bref, de quelle maladie infantile du post-modernisme souffrez-vous ?

1. Votre premier émoi politique remonte à quand ?

a. En troisième année, la classe vous a exclu en ne vous passant pas le ballon dans le cours d’éduc. Vous avez pleuré et juré que plus jamais on ne vous prendrait pour un moins-que-rien.

b. À 15 ans, alors que vous voliez des bières au dépanneur asiatique du coin en vous justifiant « il n’avait qu’à rester en Chine, ce social-traitre ».

c. Quand votre père a pleuré, le soir du référendum de 95, et qu’il a déclaré « c’est vrai qu’on aurait dû s’organiser face à l’argent et au vote ethnique ».

d. Quand votre grand frère vous a fait écouter Rage Against the Machine et vous a fait découvrir la grande famille de la musique engagée. (avoir vu Braveheart fait l’affaire aussi).

e. Vous ne pouvez pas vraiment identifier Un moment fondateur de votre subjectivité politique, mais seulement retracer par téléscopage rétroactif certains affects que vous avez « nommés » comme politiques quand vous les avez assemblés comme trame narrative de votre subjectivation fractionnée.

2. Quelle est votre généalogie familiale ?

a. Enfant unique, votre mère a pris soin de vous comme si vous étiez la prunelle de ses yeux et le seul sens de sa vie. Papa était un modèle de leadership viril (soit fondateur d’une PME ou dirigeant syndical). N’empêche ce foyer protecteur, vous avez dû vous affirmer et afficher vos couleurs vers l’adolescence, ce qui a quelque peu semé le froid dans la cellule familiale.

b. Famille déchirée, très pauvre ou très riche, parents absents. Ce tableau peu réjouissant peut s’accompagner d’une forte religiosité, de tentatives d’agressions sexuelles, d’un couvre feu à 8h. Vivant en banlieue ou pire, en région, vous avez peu eu accès aux plaisirs culturelo-intellectuels, ce qui vous a obligé à vous occuper en fugues, actes de vandalisme mineurs, etc. Le reste de votre temps était occupé par Dongeon et des jeux vidéo violents.

c. Famille nombreuse, unie ou « beau divorce ». Vos parents aimaient le social, le plein air et votaient à gauche. Papa a peut-être déjà été trotskiste. On vous a inscrit aux scouts, à des équipes sportives et des activités de charité très jeune, vous avez été bénévole à la grande guignolée ou à la dictée PGL.

d. Dans votre maison du Plateau, il y avait de nombreuses babioles ethniques rapportées des voyages de vos parents, ainsi que quelques livres d’art et des vinyles. A 6 ans, maman vous a inscrit à un cours de ballet jazz, où vous avez découvert l’heureuse expression de soi. À l’école privée, vous vous êtes révoltée contre l’instrument de musique qu’on vous imposait et avez vendu votre violon pour une guitare.

e. Très tôt, vous avez craint d’être schizophrène comme votre oncle, mais votre père vous a rassuré que vos délires surréalistes étaient sains. Ancien stalinien, il a voulu que vous ne ratiez pas votre vie à cause de la politique comme lui, ce qui vous a gardé loin des partis et des dogmes. Par contre vous avez dû les quitter car leur maison en banlieue devenait une limite à votre exploration du monde.

3. Choisissez votre choix du moins pire, la vie que vous accepteriez dans le pire des cas :

a. Organiser des événements, des manifestations contre la guerre. Devenir politicien de gauche ou grand avocat des droits humains, maire d’une petite ville ou consultant d’une ONG. Passer sa vie à donner son opinion sur des tribunes publiques. Avoir une entrée sur Wikipédia.

b. Continuer à agrandir le groupe affinitaire jusqu’à ce que se présente « le grand moment », faire des petites actions isolées ; crever des pneus, passer des tracts, faire des graffitis, bref, multiplier les cellules de résistance. Faire un DEP dans un domaine qui pourrait servir stratégiquement et logistiquement l’insurrection (imprimerie, feux d'artifices).

c. Devenir permanent d’une association étudiante, avoir un rôle important de coordonateur dans une organisation surannée : commission du droit des consommateurs, amnistie internationale, oxfam québec, etc. Être invité à des tables de concertation, des commissions d’enquête et participer à des forums publics pour faire de « l’éducation populaire ».

d. Devenir prof de français, animateur communautaire, promouvoir à petite échelle la musique locale et/ou du monde ; devenir technicien de son bénévole ; donner des cours de reconnaissance des couleurs et de sensibilisation de soi à des enfants daltoniens ; organiser des festivals de films indépendants locaux et/ou du monde ; tout cela en développant un blog d’opinion citoyenne afin de laisser un héritage à la planète.

e. Devenir père au foyer qui fait de ses enfants des révolutionnaires en les désubjectivant, renversant, pour ce faire, les genres de ceux-ci ; faire des graffitis sur les murs de leur garderie ; voyager à travers le monde pour coucher avec les personnes parmi les plus exceptionnelles ; écrire des romans, refuser de les publier et les brûler après le point final.



4. Quelles sont vos activités préférées ?

a. Faire le party, se saouler à mort tout en demeurant charismatique, réussissant ainsi de même à baiser avec la plus belle fille du party. Avoir des discussions enflammées avec des grandes gueules comme vous. Monopoliser le micro dans les AG. Écrire des textes revendicateurs.

b. Regarder des vieux films de guerre, jouer à des jeux vidéos stratégico-violents, chercher des informations secrètes sur internet, planifier parfaitement une action, alimenter des conflits interpersonnels, pensant ainsi mettre à nu la latence de la lutte des classes. Passer beaucoup de temps tout seul.

c. Parler sur MSN, Facebook, au cellulaire, être en lien constant avec ses contacts, organiser des congrès, des réunions, des partys bénéfices, etc., se tenir à l’asso ou au local, organiser des games de risk ou de soccer avec des amis.

d. Aller à des shows reggaes et/ou des festivals indépendants et/ou bénéfices, visiter des galeries d’art, faire des voyages de coopération internationale, organiser des soupers thématiques avec des amis du secondaire, faire de la photo.

e. Aller à des manifs violentes, lire des essais violents, écrire de la poésie fuckée que personne ne lit, faire de l’exploration de son corps et de ses sens, seul, ou à plusieurs, faire de la récup de bouffe et concocter un excellent repas, voyager en squattant.

5. Mais que voulez-vous, en fait ?

a. Une grosse révolution, violente ou non.

b. Une insurrection prolétarienne nécessairement violente.

c. La démocratisation du pouvoir pour une révolution citoyenne.

d. Une conscientisation qui amène à une autre mondialisation.

e. La disparition du pouvoir.

RÉPONSES

a. Le « vrai ». Le vieux de la vieille.

Lévesque, Guevara, Sartre… vous êtes presque de la même farine, sauf que pour une idole, il y a mille déchus. Le déchu, c’est vous. Celui qui exerçait déjà son talent oratoire en 3e année, celui qui en a vu, le vieux de la vieille qui a tout vécu. Votre parcours romantique, que vous aimez tant raconter et raconterez aux préposés à l’hospice, c’est celui du ptit’ gars qui en veut. Sauf que vous, au lieu d’aller en marketing, vous avez choisi la cause du peuple, choisi de parler pour les autres. Tout le monde vous connait forcément dans le milieu que vous avez investi, où votre charisme et votre grosse voix ont toujours fait impression. Cependant, un jour fatal on réalisera que vous vous mettez beaucoup à l’avant scène pour quelqu’un qui n’est jamais là quand ça chie. À trop vouloir récupérer les mouvements, vous allez finir comme tous ceux qui auraient pu succéder à Lénine mais sont pas devenus Staline, tassé. À défaut de vous retrouver « leader » dans un moment historique exceptionnel, vous irez traîner votre alcoolisme de party en party à ressasser des souvenirs d’y a 10 ans avec des gens qui n’étaient pas là.

b. Le groupusculaire

Profondément anti-social, vous êtes fasciné par les images de violence, les révoltes populaires, les guerres civiles, le terrorisme. Ce qui vous intéresse en fait dans la révolution pour laquelle vous luttez, c'est la phase transitoire, celle des purges. Ainsi animé par une frustration rongeante envers tout et tous, vous éprouvez un grand besoin d'action, tout de suite et maintenant. Il faut que vous sortiez toute cette rage quelque part, mais pas n'importe où... dans une cellule de parti révolutionnaire ou bien un groupe affinitaire, « secret » de préférence, car ce type de militance permet d'agir en étant dirigé et protégé par l'anonymat du groupe. Ainsi, vous pouvez perdre énormément de temps dans votre groupe sans pour autant prendre trop de place publiquement, vous infiltrez des milieux sans vous faire remarquer. Au discours, vous préférez les stratégies d'attaque surprise, de guérilla, de ninja. Vous adorez faire la différence dans votre tête entre les « vrais » et les « faux » militants. Évidement, vous finissez par vous perdre dans la démultiplication de vos identités, puisque vous pensez qu'il vaut mieux ne jamais dire ce qu'on pense réellement sauf au « groupe » (parti). Discipline, organisation et troubles mentaux. Un jour, vous éviterez de parler de cette période de votre vie en disant « je ne m'étais pas rendu compte que c'était une secte... »

c. L’associationniste. Le bureaucrate enthousiaste.

Très jeune, vous avez compris qu'on était rien sans l'implication sociale. Après tout, la société précède l'individu... Conséquemment, vous avez décidé de « faire votre part », une grosse part. Lorsque vous vous engagez dans un projet, une association, un club d'échecs, vous finissez par habiter l'endroit tellement vous en faites. Il y a quelque chose dans la vie associative qui vous transcende, au point où vous finissez par défendre corps et âme l'association comme s'il s'agissait de votre propre vie. Vous n'en finissez plus de sacrifier votre vie privée (ou plutôt votre non-vie) pour organiser un truc, taper un procès verbal, caller un souper-réunion. Et évidement, on ricane de votre procédurite, cette manière que vous avez de toujours accorder trop d'importance aux détails. Bien sûr, toute cette implication n'est pas si gratuite, au moins elle vous permet d'avoir une certaine forme de reconnaissance sociale et institutionnelle, un peu de pouvoir. À défaut d'avoir réellement quelque chose à dire, vous débitez des tracts. D'ailleurs, c'est à se demander parfois si vous êtes encore intéressé par la cause, ou si vous êtes juste là par habitude. C'est peut-être pour cela que vous vous entendez en apparence avec tout le monde. Mais dans le fond, vous n'êtes pas bien méchant, on vous tolère parce que vous faites la job que personne ne veut faire.

  1. L’artistico-naïf-engagé

Qu'il est doux le chant de l'Africain génocidé, qu'elle est belle l'explosion, qu'il est cute l'enfant mourant du sida... Votre engagement se vit surtout dans « les yeux du coeur », vous vivez les choses bien plus que vous ne les faites. Évidement que ça vous touche le Darfour! Tellement que vous avez été voir le documentaire au cinéma. Le politique pour vous se vit surtout dans les représentations culturelles, l'action politique individuelle passe donc par l'expression personnelle: par l'art. Vous vous autoproclamez hyper-ouvert et tolérant malgré qu'en théorie, vous êtes contre le capitalisme. Quel est le problème? Bien que vous oubliez carrément que ce n'est pas en achetant du café bio-équitable ni le dernier Zebda que les choses évoluent réellement. Qu'il ne suffit pas d'avoir l'air indigné, d'écrire une chanson de 4 minutes ou d'envoyer une lettre au Devoir pour se débarrasser de la culpabilité, de la révolte, du fait que les choses restent objectivement laides malgré vos innocentes tentatives de les embellir. Finalement, vous participez autant que n'importe qui à la misère du monde, mais vous, vous pouvez vous laver la conscience en travaillant dans le communautaire et le culturel. Parfois, quand vous êtes vraiment « radical », vous descendez chez le peuple, vous lui faites un concert gratos, une expo photo ou un atelier de marionnettes. Mais au fond, vos ambitions personnelles et votre sensibilité esthétique finiront par surpasser vos préoccupations sociales, déjà très inélaborées.

  1. Le post-gauchiste

Attention, le post-gauchisme est une maladie grave, qui atteint subitement des personnes au départ disposées à un bel avenir. Pourtant des symptômes très objectifs ne trompent pas: vous avez jeté Le Capital, ou vous ne l'avez pas lu, vous aimez les lieux alternatifs, les pratiques subversives, et surtout, vous êtes foncièrement une personne complète et apte au bonheur. Ce qui est une marque incontestable de votre faux engagement politique, puisqu'il faut porter la souffrance des opprimées dans son coeur et en tout instant. Évidement, votre méfiance envers les grands discours, les partis et les leaders a fait de vous un être désagréable, qui remet tout en question avec une touche d'ironie vraiment énervante. Depuis que la maladie vous a frappé, votre esprit culbute les théories « post-modernistes » bien malgré vous et vous avez une grave tendance à la relativisation (c'est-à-dire la déformation de la vision par des parasites nihilistes qui vous empêchent de voir l'objectivité de la vérité). La fragmentation de l'identité qui en suit peut entraîner la non-reconnaissance des normes sociales, le fait de s'engager gaiement dans des activités illégales et/ou anormales, ainsi que l'adoption d'un mode de vie qui rompt avec la société. De surcroît, votre maladie n'a pas que des conséquences néfastes sur votre vie (arrêt illimité du travail...) mais aussi autour de vous: vous détruisez inexorablement l'unité de la gauche, vous ne contribuez pas à la diffusion d'un message clair et au changement social discipliné, mais au contraire à un chaos social dangereux et à la propagation d'idées anomiques. Danger pour vous même et pour la société, vous devez au plus vite consulter un marxiste et relire vos classiques avant que le néant ne vous rende totalement libre.

3 commentaires:

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