22 janv. 2008

Du Contexte

« Dis-moi donc c’est quoi le contexte ? ». Cette phrase est une expression radicalement privée. Elle fait référence à une ambiance, à un événement unique, qui mérite par contre d’être soumis à cette formule comme des milliers d’événements qu’on trempe un peu plus dans l’intimité, juste pour les enrober; moment trempé dans l’intimité neuve d’un contexte, précisément. Ces jours-ci, le problème, c’est que cette phrase, comme toute possibilité de formuler quelque chose entre individus, appartient désormais à la police : « quel est le contexte ? ». « Pourriez-vous préciser ? »

Avec plaisir.

Les gens « conscients » et « savants » ont tendance à donner crédit au discours. On se l’approprie d’une part (c’est ce que fait la police), on le défait de l’autre, et on l’articule avec lui-même (c’est ce que font les « savants »). C’est juste que merde, d’un côté comme de l’autre, on oublie que toute articulation, toute « mise en perspective d’une contexte », est fondée à partir de valeurs. La police dira :« à quelle heure êtes-vous arrivé ici ? » : y’a pas d’objectivité déontologique dans le fait de tout inférer à partir d’une chronologie effacée. Le savant, l’intello, dira : « la critique épistémologique des critiques de Hegel doit être dialectique » : y’a pas d’objectivité déontologique dans l’histoire des idées non plus.

Je me donne le droit d’inférer sans référence : l’intellectualisation du réel, comme le modelage contrôlé de celui-ci, est autoritaire. Me suis-je trop avancé ? Elle est fondée à partir de valeurs, la «mise en perspective d’un contexte ». C’est simple pourtant. Et c’est l’absolue valeur de cette accréditation de valeurs qui fait qu’on sent souvent qu’un discours tourne en rond au-dessus de lui-même (comme un vautour ?!). Sans accorder non plus d’objectivité au ressenti, c’est tout de même dans ce domaine que ça se passe : sorte de malaise, d’impression de perte de temps (pire, plutôt de violence au temps), à écouter quelqu’un de très très savant articuler des concepts trop lourds (chargés de plus-value conceptuelle (et même les marxistes le font)) les uns avec les autres. Quand il s’agit d’épistémologie, c’est pire, on déconstruit des valeurs théoriques à partir de valeurs morales.

J’arrête là, ça donne pas grand-chose : tout le monde se rentre dedans de façon privée, avec un discours privé; c’est drôle, la police fait ça, aussi. Elle rentre dans le monde de façon privée, elle les fait valser. Pas grave ? C’est pas vrai tabarnak, c’est très grave; par contre c’est vrai que les discours sur la police et tout le reste tournent autour d’eux-mêmes comme des oiseaux de proies. Pire encore : l’oiseau de proie est mort dans le désert social, son fantôme est mort dans le désert fantôme, au-dessus, et tourne au-dessus le fantôme du fantôme, convoité par son fantôme, etc.

Est-ce choquant que la policisation du monde et son intellectualisation soient liés de quelque façon ? Ça devrait pas l’être… Et puis il faut pas y voir quelque dialectique que ce soit; ce qui est choquant (au sens psychologique de heurtant, comme le théâtre italien, et qui donne « envie » de s’évanouir) c’est le fait que ces deux processus aient souvent pour mêmes limites les mêmes lignes de fuite, et pour mêmes dynamisations (mises en mouvements) des processus similaires. « Mais sur quoi cet individu fonde-t-il son ses postulats ? » ? Sur mon propre fantôme, sacrament.

On oublie souvent que ce monde est composé depuis peu de « fictions ». Bien sûr, de spectacles. Mais de fictions, c’est pire car c’est banal à avancer et à entendre. De fictions qui ne sont que murmures et sur lesquelles on échafaude l’empirique et l’idéal. Le monde contrôlé émet des flux et des spasmes d’idéaux. Même si on y répond par des anti-idéaux, ça demeure des idéaux ! On s’en tape, mais ça tape pas mal sur les nerfs. Composé de fictions réelles, qui « transversent » le monde, qui se manifestent partout. Partout, certes, et surtout au cœur du discours, qui n’a pas de référent sauf lui-même. Lorsqu’il est fondé sur une valeur qu’on s’accorde à soi-même depuis toujours, ce discours qui sort de notre bouche est un processus métallique, comme une sorte de tuyau de plomb qui articule des choses les unes autres : « bla + bla = bla, par contre bla - bla = bla ». BING ! Que des signifiants qui érigent la fiction procédante immédiate avec cette « minute » « précise ».

« Expliquez-moi le contexte ».

Très bien… J’étais à mon boulot, une bonne femme arrive, et me dit « t’as pas fermé telle porte, blablabla, outils, outils. » Je lui réponds « ah bon ». Altercation purement référentielle qui titille le rien, qui réveille le nihilisme passif (la surdité). Purement référentielle et en cela répétée éternellement, car la « référence » (au sens archivistique) est devenue processus d’être dans le monde. Ce moment référentiel est autoritaire, il affirme qu’est ainsi le moment observé, souvent une dérogation à l’homogène ambiance, au tel que vu « au par avant » : /rectification /exigence/stop/; il réfère à la vérité du référent plus réel que le réel. En cela il est violent. Laissons cette violence aux épistémologues et parlons d’une tout autre violence, la violence réelle, celle qui nécessite identification.

Parce que c’est déjà interdit en Angleterre de porter un capuchon dans la majorité des lieux publics. Nécessité d’identification, de référenciation.

Par ce « qu’ils » « prélèveront » bientôt les dix empruntes de tout individu (représentation qui fait de chaque humain un sujet neutre a priori) qui passe la frontière américaine. Parce tous les immigrants sont fichés. Comme l’intellectualisation, je le répète, ces phénomènes très réels découlent de l’objectivité déontologique qu’impliquent certaines fictions plus réelles que nos propres vies. Quoi faire ? Arrêter, peut-être, « d’expliquer le contexte », un certain contexte, celui que le contrôle veut voir mis en lumière. Je sais pas pantoute.



« FAUDRAIT PENSER A FAIRE GAFFE»

-Karl Marx

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