13 oct. 2007

Que faire, Lénine ?

C her Lénine,

À mon université, celle du Québec à Montréal, il y aura une grève cet automne (nous sommes en 2007, t’imagines !). Toi, Lénine, tu as fait changer les choses en URSS, au début du siècle dernier (oui ! dernier ! ah ! ah ! on oublie souvent qu’on est au 21e siècle, c’est fou…). Tu leur as coupé leur petit cou de rats, aux aristos ! C’est pour ça que je me suis dit : « vas-y, permets-toi ça, demande-lui, à Lénine. ». J’ai envie de faire changer les choses. Je suis un peu confus, tu sais, j’ai besoin de me confier, Vladimir Ilitch Oulianov. C’est que ces temps-ci, quand je marche dans les rues, j’ai envie de mener la lutte vers un front qu’on pourrait qualifier d’actuel. Vers un heurt réellement inversé, pas un choc qui ne serait qu’un moment du faux. Comprends-tu, un peu ? Je sais que j’ai tendance à tout confondre, Vladimir Ilitch Oulianov, j’ai encore beaucoup de croûtes théoriques à manger. Je vais commencer par le commencement, en tâchant d’accoucher dialectiquement de ma pensée sans trop écorcher l’épiderme épistémologique de la chair du monde.

Je commencerai par te parler de la lutte, parce que j’ai l’impression qu’il est là, le problème. C’est que quand j’opte pour les Méthodes, je me pète la fiole, Vladimir Ilitch Oulianov. Je mets les bons mots sur les bonnes choses, sur le réel, je dis le mot « lutte des classes », comme on doit le dire quand on pas peur de le dire ; je dis le mot « expropriation primitive du capital », comme un vrai léniniste orthodoxe n’a pas peur de le dire. Je me suis déjà demandé pourquoi les prolétaires refusent de mener la lutte à partir du moment précis où on fait leur éducation révolutionnaire. Tu sais, Vladimir Ilitch Oulianov, j’ai remarqué, et j’espère que tu vas comprendre ce que je veux dire, que les enjeux et le contexte structurel ont changé depuis Octobre 1917. À une manifestation, l’autre jour, nous étions environ une centaine. Nous sommes passés devant plusieurs prolétaires, devant plusieurs immigrés. Ils n’ont pas joint nos rangs, Vladimir Ilitch Oulianov ! Il me semble qu’en 1917, vous étiez des centaines de milliers ! C’est tout ça qui me fait me questionner sur les méthodes orthodoxes pour lesquelles nous options. Et c’est certain, je ne baisse pas les bras… C’est seulement que je me pose des questions. Bientôt, les camarades et moi serons en grève à mon université, l’UQAM. Ce que nous voulons, c’est la victoire. Je me demande seulement quelle victoire ; comment peut-on juger de l’arrivée, de la fin de la dialectique de la nature ? Je ne pense être l’Homme Total comme tu l’étais toi, Vladimir Ilitch Oulianov.

Lénine ! J’ai seulement besoin de te dire, sauf ton respect, que malgré tout, nous ne sommes pas en URSS, que 90 années se sont écoulées depuis 1917, que la fin de l’Histoire est devenu un concept et les théories du camarade Karl Marx un champ critique (comme dit le putain de décentré, Baudrillard) intéressant mais souvent noyé dans l’esthétique du politique spectacularisé, que la lutte des classes, si elle existe toujours, elle existe esthétiquement sans plus, tant et aussi longtemps qu’on la fétichisera, qu’on lui reconnaîtra un caractère purement dialectique. De nos jours, Vladimir Ilitch Oulianov, elle n’existe plus la dialectique, elle n’est, et n’a toujours été, qu’un jeu de l’esprit afin de complexifier le réel.

Je me trompe peut-être, mais on est dans de beaux draps ! Je crois même que je vais parler d’autre chose, parce que je me sens devenir revêche. Et puis je suis conscient que tu as des choses à faire, des choses plus importantes que de lire la lettre d’un être humain qui se questionne sur tout, sur tout, qui voit l’entrée de son cerveau comme étant gardée par un petit caniche nihiliste cute en osti. Et toi, Vladimir Ilitch Oulianov, qu’est-ce qui gardait les portes de ton crâne ?

Tu sais, ma lettre aurait pu être longue. Elle aurait pu l’être. Elle ne l’est pas. J’en reviens au fait que bientôt, mon université sera en grève. Pour la durée de cette dernière, j’espère que tous ceux qui te connaissent sauront t’oublier quelque peu et que tous ceux qui t’ignorent ne te connaissent pas. J’espère d’autant plus que ces derniers se disent justement qu’alors il ne sera plus question d’adorer ton fantôme, mais de vivre ici ensemble.

Je te prie, Vladimir Ilitch Oulianov, d’agréer l’expression de mes meilleurs sentiments, pour aujourd’hui et à jamais.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

ce que je cherchais, merci