L e tôt crépuscule hivernal de notre latitude nous expose à d'étranges phénomènes sociaux. Non pas que nous devenons tous dépressifs ou paranoïaques, loin de là. Si certains sont affectés négativement par la diminution de la présence et de l'intensité de la lumière, d'autres y trouvent un moyen amusant de passer à travers ce qui n'est autre chose qu'un évènement cyclique et nécessaire à la vie sur terre : les saisons. Dans nos sociétés de services post-industrielles, et donc de consommations, les jeux de lumières artificiels auxquels nous nous soumettons révèlent beaucoup de nos valeurs et de nos perspectives sur la vraie vie - devrais-je insinuer la « vie vraie »? Dans cet échafaudage urbain et architectural que sont nos villes - nommément Montréal, en ce qui me concerne - tout semble avoir une utilité et prendre sens selon l'usage qu'on en fait. C'est le cas depuis la mort du symbolisme : n'est que ce qui est potentiellement utile. De ce fait, l'éclairage urbain est utile, mais Ô combien non-esthétique. Pour redonner un caractère humain à cet éclairage, les rues marchandes ont trouvé la réponse à notre besoin irrationnel du « beau ». Le tout complexe qui est formé par cette juxtaposition de lumière est étrange et troublant. En voici quelques considérations : me promenant sur la rue St-Denis, tous les magasins semblaient être entourés d'une aura leur consacrant l'importance de leur place ici. Les marchands usent de ruse pour aguicher nos yeux, pour nous transmettre une énergie, un coup de foudre. D'une autre perspective, les cafés, les restaurants, les bars et bistros se retrouvent tous plongés dans une pénombre relative à l'intensité de la diminution de la lumière. Ce que le passant voit ce sont des objets dans des vitrines et, dû à un certain contre-jour, n'aperçoit pas les autres gens. La marchandise est mise en lumière, l'Homme plongé dans l'obscurité.
Bien sûr on me dira : Que serait un restaurant, un bar ou encore un café plongé dans une lumière vive? J'admets qu'une telle circonstance viendrait détruire l’atmosphère. Je renverrais cependant à une autre
D'une manière assez tordue, j'en conviens, je conçois que nous essayons tous secrètement de nous mettre en spectacle à travers une vitrine, en aspirant à être mis dans une lumière toute relative. Nous voulons devenir marchandises. Beaucoup d'entre nous le sont déjà, mais comme il est plaisant d'être polyvalent. Après l'Homme encyclopédique, voici l'Homme tout en Un. Mise en démonstration de notre potentiel utile-marchand au travail, de notre potentiel humoriste au bar, notre potentiel sérieux, ouvert au café, notre potentiel d'avoir de la « classe » au restaurant, etc.
Le problème est-il justement un problème de classe?
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