5 sept. 2007

Du doigté

"Nous devons insister sur ce pont, car il est fondamental, si l'on peut dire: la seule véritable difficulté que l'homme éprouve à traiter avec son anus d'égal à égal n'est pas d'ordre physiologique, ni d'ordre physique, mais de nature culturelle et psychologique. Se mettre un doigt dans le derrière, katadaktulidzein comme disaient les vieux grecs qui savaient de quoi ils parlaient, est un acte évolutionnaire par lequel on entend quitter l'organisation abrahamique de la société, celle que symbolise un Dieu-père dominateur et violent, pour retrouver une conception toute autre de l'univers, axée sur l'égalité et le partage..."

- Bruno Boutot, L'orgasme au masculin

Nos conditions d'existence rendent la jouissance impossible: Y'EN-A-MARRE.

D'unE constipéE à l'autre, notre réputation reste toujours la même: nous sommes la malodorante honte des baiseurs mal lavés, l'égout infect qu'on se doit de masquer et de taire, l'écoule-merde avilissant du voisin, l'attribut du Diable et des Homosexuels, l'infamie du corps humain.

Ici, une maman dit : "Touche pas, c'est caca". Là, un employé serre les fesses devant un patron inquisiteur. Ici, une prof de F.P.S. nous apprend que "y'a que par devant que ça se passe", là, Freud qui nous maintient dans un state inférieur de sous-humain dépossédéE du plaisir "adulte". Car on le sait: "Être pénétréE, c'est être unE inférieurE. Par derrière, c'est contre Nature". Pour l'homme, c'est devenir femme (et on le sait: Femme = Mal). Pour la femme, c'est devenir pute (et on le sait: Pute = Pire qu'une Femme). Pour tout le monde, c'est devenir esclave.

Partout, le même refrain: "Ton anus, C'EST MAL". Cette société ne veut pas de nous? Eh bien! Nous ne voulons pas de cette société! Grève générale! On bouche tout et on regarde la merde leur monter dans les yeux! Les fesses avec nous! Les culottes au bûcher! Exigeons la jouissance! Non mais! Y'en a marre, de laisser le pouvoir

de la pénétration toujours aux même... rendons leur les doigts! Révolution, bordel de merde!

L'ordre symbolique anal a cet immense avantage sur la phallocratie qu'il ne peut être qu'égalitaire, libertaire et solidaire: l'anus étant partagé de tous temps par touTEs, sans distinction de classes, d'identités culturelles de genre ou de race, impossible à s'approprier par la force (comment, effectivement, arracher ou voler un trou?), produisant un plaisir dirigé vers l'individu mais facilement communisable...

Dans cette société nouvelle, ou il n'existera plus ni dieu, ni rois, ni maîtres, ni esclaves, ni hommes, ni femmes, et ou nous pourrons enfin être des trous heureux, nous chanterons en chœur le sonner d'Amour de Verlaine et de Rimbaud:

Obscur et froncé comme un oeillet violet

Il respire, humblement tapi parmi la mousse

Humide encore d'amour qui suit la pente douce

Des fesses blanches jusqu'au bord de l'ourlet

Des filaments pareils à des larmes de lait

Ont pleuré, sous l'autan cruel qui les repousse,

À travers de petits caillots de marnes rousses

Pour s'en aller ou la pente les appelait.

Ma bouche s'accoupla souvent à sa ventouse,

Mon âme, du coït matériel jalouse,

En fit son larmier fauve et son nid de sanglots.

C'est l'olive pâmée et la flûte câline,

C'est le tube ou descend la céleste praline

Chanaan féminin dans les moiteurs éclos

AmiEs, crions-le bien fort: il nous faut un nouveau corps sexuel, nouveau de sensations et d'idées rafraîchissantes, de plaisirs à partager et de territoires à découvrir, il nous faut de belles et heureuses aventures! Marre de vous faire enculer par la phallocratie? DésireuSEx de communisme?

Coupez-lui la bite !

EN CE SENS (celui de déflorer les défloreurs, et d'emmerder joyeusement l'ordre établi), nous vous proposons une série d'exercices faciles et agréables, afin de découvrir le potentiel érotique que la civilisation vous cache depuis si longtemps. On est pas gentilLEs, peut-être? (Il est à noter que ces secrets merveilleux ne devront être divulgués qu'à des gens de confiance, dans un esprit de partage d'une énergie sexuelle révolutionnaire. Mais nous savons que vous refusez DÉJÀ tout contact intime -sauf peut-être violent- avec patronat, forces de l'ordre, administration, appareil d'État, actionnaires et autres forces sociales fascisantes, n'est-ce pas? La grève générale sauvage reste l'une de nos meilleures tactiques à long terme)

Nous ne saurions trop dire aux futurEs étudiantEs que la tâche est moins facile qu'il n'y paraît de prime abord. Ce n'est pas qu'au physique que nous avons le cul serré. Une des barrières immédiates qu'il faudra transgresser, et qui est l'expression première de conflits beaucoup plus profonds, est notre sens du ridicule. Comme il reste étrange que ce soit précisément à cet endroit si méprisé que nous plaçons la dernière redoute de notre dignité! La tâche est difficile, soit, mais le jeu en vaut la chandelle: prolétaires, à vos outils!

Peu de choses sont nécessaires pour organiser un atelier de découverte de son anus, et elles sont toutes facultatives, quoique fortement recommandée: un lubrifiant à base d'eau (pour un allé tout en douceur et qui se lave facilement...), quelque chose pour se laver (sauf si on est seulE et qu'on a beaucoup de philosophie, mais à plusieurs c'est quand même agréable quand on est certainE d'être méga-propre) et, finalement, un gode (ou tout autre objet assez petit pour être confortable. Le mieux, écologiquement et économiquement, c'est encore les doigts...)

De toute première nécessité: se débarrasser de cette insurmontable PEUR DE LA MERDE. Il est vrai que l'odeur de celle-ci n'a rien d'engageant, et que son goût est trop amer pour être plaisant. Nous devons donc, en premier lieu, et à moins de s'adonner à certaines fantaisies particulières, nous débarrasser de cette troublante réalité, jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus, plus du tout, et qu'on puisse enfin se détendre un peu du cul.

Première étape? Allez aux toilettes... et forcez fort! Au passage, vous pourrez même faire un premier exercice dont le but principal est de prendre conscience de la vie personnelle, quasi-autonome, du sphincter: contractez, puis décontractez votre anus, de façon à apprendre à "pousser" sans nécessairement conclure cet exercice par une selle... Vous vous rendrez très vite compte que, si la contraction est aisée, la décontraction, elle, ne l'est pas... Il existe d'ailleurs certains très bons livres là-dessus en psychanalyse, mais faites attention, mieux vaut lire Hocquengem que Freud, hein. Il est à noter que cet exercice permet également chez l'homme de développer un certain contrôle de l'éjaculation, puisqu'on peut la retenir en décontractant un peu par derrière, et l'accentuer en suivant les mouvements rythmés de la prostate au moment de la jouissance.

Quand il n'y a plus rien (et qu'on peut être convaincu de ne pas se chier dessus même en poussant très, très fort), on peut encore s'assurer de sa propre propreté en faisant un lavement. Le lavement, pour désagréable qu'il puisse paraître lors des premières expériences, peut se révéler une expérience en soi dans la découverte de son corps. Il consiste littéralement à se "laver l'intérieur" à l'aide d'une poir ou d'une douche ayant un faible jet. Comme tout ce qui touche au plaisir anal, il faut un certain moment pour s'y habituer, mais il a une curieuse propriété de devenir addictif, comme une drogue.

Voilà. Vous pouvez en être certainEs: IL N'Y A PLUS DE MERDE. (hourra! c'est Papa et Maman qui seraient contentes!)

Pour le reste du chemin, nos suggestions se limiteront timidement à vous fournir quelques petites indications dans l'immensité potentielle du plaisir que vous découvrez. Nous ne saurions imposer quoi que ce soit, d'autant plus que ce serait ridicule, et nous nous en remettons à votre patience et à vos envies. Il importe peut-être d'utiliser plus de lubrifiant que pas assez, d'être le plus détenduE possible (un bain? oh oui! un bon bain chaud!), de ne pas se gêner pour aller partir son plaisir là ou l'on sait déjà qu'il se cache, avant de le faire dériver dans tout le reste du corps... La position la plus confortable afin de se toucher à petits pas, à notre sens, quoi qu'elle ne soit pas la seule, est de s'allonger sur le dos, les genoux relevés et écartés. Ou encore, se tenir debout, les jambes un peu écartés et le torse plié en avant. Le tout est d'y aller tranquillement, de façon à ne rien brusquer. Nous n'avons pas l'honneur d'avoir à préparer quelque athlète pour une compétition sportive, soit-elle sou l'égide des dieux grecs. On se suffira d'abord d'objets petits, arrondis et flexibles, les ongles taillés... On peut alterner mouvements circulaires et mouvements de pénétration, sans se presser. Les premières fois, on sentira l'anus qui se rebelle mais, peu à peu, il s'assouplira pour permettre, à chaque poussée, une exploration plus approfondie. Il est à noter que la partie la plus hardie de l'exercice est de passer le sphincter. Une fois cette étape dépassée, on découvrira un espace assez grand, fait d'un tissu très doux et souple, ou l'on peut distinguer des plis charnus. On sent très bien la base du doigt comme une bague serrée qui s'ouvre à volonté et se referme d'elle-même. Lorsque l'on découvrira la prostate (si prostate il y a, sinon une zone similaire, parfois nommée point-G, se retrouve également chez la femme), sous la forme d'un petit renflement raide, qui est située à quelques centimètres de l'entrée, vers le ventre, on la massera du bout du doigt. Cette étape est souvent celle ou l'anus se détend complètement, finalement "séduit" par la manoeuvre, heureux et béant.

Pour mener à sa complète signification cette expérience, nous suggérons de mener à son terme une masturbation simultanée à l'introduction du doigt dans l'anus. On sentira alors très bien les pulsations du ventre et le travail du sphincter sur lesquels on pourra jouer, par pression et par massage circulaire, pour augmenter les bienfaits de l'orgasme.

Bon jeu!

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