Phy-sique (3,1416)
B ordant le cours de ce qui constitue la mosaïque grise des villes post-industrielles s’écrase l’incongruité d’inanimés objets rageusement métalliques ; armures de tôle éclectiques, capital du luxe et fusées cristallines des hommes infâmes, ils sont la pénétration décousue d’un gros enfant balbutiant ; l’absence de tact en puissance, quant au fait d’entrer dans le monde.
Pour savoir où et quoi, décrivons : ces objets sont massifs, d’une longanimité gracile et courbaturement fine ; de profil, l’arrière est abrupte, presque carré, donnant naissance à un plateau de tôle, orné parfois d’un aileron, sorte de ventouse obsolète qui fait s’accrocher l’objet à l’illusion d’une vitesse croissante. Cette section de l’objet est amovible, comme la mâchoire d’un chien sauvage ou la trappe qui mène au sous-sol d’une auberge allemande (de ces auberges embaumant l’ail et l’humeur). À la finalité de ce plateau amovible naît un dôme vitré quelque peu galbé : sa courbe est la même que celle du milieu de ma cuisse. Ce dôme vitré est translucide comme le cristal, souvent épais et équipé d’un petit bâton vibrateur qui le frotte et le frictionne. Par ce dôme translucide, il est possible de voir à l’intérieur de l’objet, qui est en soi la miniaturisation d’un salon anglais, ou d’un café hypermoderne. Tout objet phallistique y est doublement proportionnel à ce qu’il représente. Ainsi, n’importe quel trophée de chasse se devrait d’y être miniaturisé. Il est possible de sentir les forces internes d’une telle composition spatiale dans l’indépassable ouvrage de Ramirez de la Serna (1). Après le dôme vitré émerge le second plateau, poursuivant la suave ligne, aérodynamique, en forme d’arc, couvrant comme le ciel nous protège, le salon anglais intérieur. Symétriquement, un second dôme de cristal fait face au premier, laissant également pénétrer le regard profondément à l’intérieur de l’habitacle.
À l’origine de sa motricité se trouve l’inavoué désir de s’emparer du flot public qui s’ouvre comme la mer immense sous les distances dévorées, envoûtées par le glissement de l’impossible sans cesse nié, seconde après seconde, mètre après mètre.
En somme, et pour clore cette description d’usage, de largeur, l’objet est deux fois plus petit que l’ensemble de sa longueur. Ses côtes sont affublées d’ouvertures, généralement quatre, semblables à autant de portes de saloons ; ces portes, cependant sont de fer, comme le seront les portes du nouveau Far West, cette sauvage épopée des aires inconnues, celle qui s’articulera lorsqu’aura cessé d’être cette planète en perpétuel rétrécissement.
Méta (363)
Il est possible de sonder et de scruter le micromonde qui se constitue ainsi que la transposition symbolique de l’univers social qui s’opère au sein de l’objet analysé. La théorie générale de « l’habitacle amovible » ou habitacus mobiles, est celle du transfert des paramètres du réel au cœur de l’abri mouvant. Il est en effet possible d’accomplir tout ce qu’un humain peut accomplir à l’intérieur dudit objet ; il est possible d’y manger, d’y dormir, de s’y reproduire et d’y mourir. Ces quatre états fondamentalement humains sont aisés à concevoir dans l’habitacus mobiles, et souvent considérés plus normaux si ils y prennent place qu’à nul autre lieu. Tel est le point de départ de la théorie générale du transfert symbolique et de l’objectivation de l’existence des Hommes qui s’opère au cœur de l’habitacus mobiles : de cet état de fait il est possible de poser la question de la fondation du sujet lorsqu’on retire à celui-ci la possibilité de se refonder quotidiennement, de façon immanente, dans le tiers symbolisant, oasis de sens, que constitue l’habitacus mobiles. Il y a une forte part de rituel dans la transmission symbolique de la possibilité sociale et familiale d’adopter le tiers symbolisant comme nouvelle réalité du parcours social ; la transmission est d’abord transgénérationnelle et transformationnelle, le parent démontrant à sa progéniture le fonctionnement de l’habitaclus mobiles ; ce dernier pourra ainsi occuper l’espace symbolique du parent d’abord, pour ensuite s’en séparer, lors de l’explosion d’une grande déchirure du tissu filiationnel, pour acquérir sa liberté propre, sensible et objective, d’entrer dans le monde, acquérant lui-même la possibilité d’acquérir son habitacus mobiles singulier subjectif.
Micro-théo-phy (N*2*3)
Puisque la mobilité est au cœur de la Théorie générale de la transmission symbolique, analysons ledit mouvement. Le mouvement circulairement clos s’effectue dans le circuit qu’a constitué l’état lors de l’élargissement des artères et des veines de transmission physique. C’est-à-dire que rien n’est possible lorsque l’habitacus mobiles fait diverger son chemin hors de ce qui a été défini préalablement comme une possibilité ; le parallèle ici est intéressant : la constitution des limites lors du déploiement du circuit de possibilités est semblable, voire identique au déploiement de possibilités auquel est soumis le sujet lorsqu’il se constitue comme tel. Le triangle sensible aux pointes rituelles rebondissantes qui apparaît alors fait émerger pléiade de dialectiques. Ce triangle conceptuel, il est l’articulation entre la transmission symbolique et ses deux acteurs (l’habitacus mobiles et le sujet) dialectiquement soudés en une valse déchirante. Revenons sur l’aspect de la définition du déploiement symbolique, celui-ci constituant une grande part de la Théorie. Il est fondamental que s’effectue le déploiement sensible du sujet dans les limites sensibles et sensitives qui sont instituées rituellement par la sphère du social ; dès que ce déploiement s’effectue hors du cadre rituel, le sujet sombre ou fait en sorte qu’on fasse en sorte qu’il sombre. La définition du sujet comme déploiement normatif dans le champ du sens, Foucault en traite en ces termes : « Le sujet subjectif sait reconnaître ce qui a su plaire à ceux qui sont sa raison de plaire, c’est-à-dire ceux qui s’imposent comme nécessité de se mettre au monde une seconde fois, et d’actualiser cette seconde naissance normative geste après geste. »(2)
Il est intéressant de comprendre que, dans ce déploiement du sujet – et c’est ici qu’intervient la notion, et son importance, d’habitacus mobiles – l’habitacus mobiles constitue une méthodologie de pouvoir ; une actualisation du nœud gordien de l’être actif lorsqu’il élabore son reflet par le caractère de nécessité autocratique de celui-ci. Si l’habitacus mobiles est une méthode de tutelle du pouvoir transversalement enfoncé dans le social, c’est principalement parce qu’il est l’acquis intemporel par lequel transige le sens du sujet. La concrétisation simple de cette méthodologie de pouvoir s’élabore par le mouvement même ; en effet, impossible de sortir des chemins battus, impossible de s’évader hors des canaux de transmission et d’échange, impossible de changer de continent, de voler ou de nager, de rouler hors du meuble ou de l’immeuble, de passer outre les symboles et les contraintes ; le mouvement est réglé comme l’horloge, il est régi, démontrant que tout est histoire de contrainte.
La Théorie s’élabore a priori à partir de cette simple notion de reflet : constitution de notre être social à partir de l’être au monde nécessairement fondé par l’habitacus mobiles. Dans le corps social, le triangle sensible de la transmission symbolique est en quelque sorte le pubis symbolique entretenu par le pouvoir ; de ces pubis taillés et fiers, centraux et centralisés, sans poil biscornu, sans défaut ; de ces pubis de nouvelle forêt, sorte de forêt noire des temps post-modernes, forêt claire aux clairières symétriques, forêt vierge vierge de désordre. Le pubis de la post-modernité : triangle aux pointes sensibles, arrondies ; aller-retour suave entre le sujet, sa constitution et l’habitacus mobiles. Le corps social s’articule et se déprend de lui-même, naît une seconde fois lorsque viennent au monde ses poils pubiens ; ces petits poils humbles et charmés par le rituel fondateur du monde, ces petites pousses roses, vivantes et dressées, elles sont notre entrée dans l’âge adulte, sauvage sourire au soleil symbolique, douce caresse de notre maman Société.
(1) De la Serna, Ramirez, Dialectica de la materialidad – Estudio sobre la navidad de la forma, Mexico, 1976, Universidad nacional de Mexico, coll. Parallelismo, p. 278.
(2) Foucault, Michelle, Théorie actuelle de la mise au jour, Grenoble, 1987, Éditions de l’Intérieur, p. 26.
1 commentaire:
Good for people to know.
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