20 août 2007-Montebello (Outaouais) : Sommet du Partenariat sur la Sécurité et la Prospérité (PSP). Y être, entouré des maoïstes, des vieux hippies, des anars, des partisans de Ron Paul (obscur candidat à l’investiture républicaine), des Cégépiens imberbes armés de fleurs-de-lysés, d’Armand Vaillancourt et des autres.
Sous-produit de l’ALENA qui pourrait bien le transcender. Genre de cellule cancéreuse pour cancer. Idée lancée en 2000 à Waco, puis vient Cancun et Montebello. Pointe de l’iceberg d’un gigantesque édifice de transnationalisation des services, biens et institutions. Fragment d’une réalité mondialisée et habillée de gris. Ducon dit « créer, dans un horizon d’une trentaine d’années, une communauté nord-américaine qui dépasserait les questions purement économiques pour intégrer également des préoccupations sociales, en commençant par les travailleurs migrants, la monnaie, l’énergie et la criminalité ». On dit : pourquoi pas une pieuvre géante qui mange du vide et chie de l’ancre. Ducon dit le PSP est là pour établir un dialogue avec les chefs de grandes entreprises et de discuter immigration, commerce et richesses collectives. On dit que le crochet est un art zen et que le sarrasin se digère mal, entre autres.
Manifestation il y eût. Deux bandes pour deux carrés de bitume, délimités par du pipi de force. Le clan des 7 qui joue à colin-maillard. La bande à Bono qui joue aux poches avec des roches. 2000 vraies personnes. 500 vraies personnes cachées derrière des vêtements d’avenir. OPP. GRC. SQ. CIA. Rien ne bouge. Gaz lancé pour se divertir. Je te tiens par la barbichette pendant 4 heures de pur plaisir tantrique. Puis averse de poivre et de gaz, il faut bien justifier son salaire. Un gars blessé, des centaines incommodés par la Cayenne ou le plastique fusant, 4 manifestants arrêtés, 3 policiers blessés. Une force constabulo-militaire (flou juridique ici…) qui avance de plus en plus. La masse recule à coup de gaz jusque dans le village, incommodant les résidents sur leur perron, qui constate benoîtement que nous sommes plus que de la fiction à bon prix. Robocop envoie du gaz sur Robocop et on rigole bien.
Que dise nos amis les média, les sbires de l’information, les Cervantès au gros micro en foam? Traditionnelle théorie du complot des mass media qui veulent tous nous endoctriner? NON. Novlangue achevée. Abêtissement chronique et inconscient de journalistes qui ne sont même plus en mesure de duper leur public, tant ils sont dupes eux-mêmes. Gilles de TQS? Pauline de La Presse? Qui donc a commis le crime de lèse-objectivité? Personne sauf toi. La gangrène est partout. Régler des comptes individuels? Aborder la problématique de la transparence médiatique? Non. La gangrène est partout.
Plutôt constater que l’ère de post-modernité qui est la nôtre a atteint un degré avancé. La Société du Spectacle décrite par Guy Debord est chose réalisée certes, mais surtout achevée, peaufinée, investie, digérée, intégrée. Les pilotis de nos maisons sont plantés dans le résultat de cette ingestion totale. La Manif, carnaval burlesque est une représentation, un sujet forain. Starmania. Base-ball. Derby de démolition Totalement isolable et étanche, « la réalité considérée partiellement se déploie dans sa propre unité générale en tant que pseudo-monde à part, objet de la seule contemplation »[1]. On contemple la manifestation. Journalistes et analystes décrivent, tels commentateurs de sports, les interactions en jeu. 78 bombes lacrymogènes lancées, 4 arrestations, deux agents provocateurs. Vers 17h, cent jeunes avancent. 17 h15, ils reculent. Et compte! Parlez-moi de nombres. J’ai soif de fiel. Mon caca sent meilleur quand je sais que les autres, eux aussi…secrètement….
Qu’est-ce donc que cet objet étrange? Deux fausses personnes vraies armées de roches démasquées dans une foule. YouTube. La Presse : « Blogosphère 1, Policiers 0 .? La SQ dit non, pas de provocation. Elle siffle. Le nez en l’air, les mains dans les poches. Elle niait 2 heures plutôt qu’ils aient jamais existé. Le sédatif est fort? 78 bombes lacrymogènes en moins d’une heure… « La police au service des riches et des fascistes! » scandait la foule. « Oui, je suis au service des riches et des fascistes, mais pour 100$ de l’heure ça vaut la peine » de répondre la fausse vraie personne au matricule quelconque. Merci de me protéger. De moi. Merci de viser la vraie personne qui tente de me secourir pendant que mon nez chie du gaz. Et puis, les trois gars dans le Château, derrière les policiers, derrière la barrière, derrière les policiers, derrière les manifestants, derrière le village éloigné? Êtes-vous seulement au courant….
On pourra se consoler. Dans cette opérette, une certaine vérité s’est imposée. En isolant le processus. Conception pareille à un laboratoire humain, représentant une version microscopique de la société dans laquelle les rôles sont limpidement définis et où l’ambiguïté, entre les pancartes et les matraques, n’a plus sa place. Dans les interstices des clips ravageurs du Téléjournal, l’idée de Résistance, taxée au mieux de romantisme, au pire de nuisance, saura peut-être jaillir. Ne serait-ce que pour indiquer à Madame plus vraie que vraie tellement elle est fausse dans son sofa que comme le veut le dicton, l’opposition est essentielle à la démocratie. Douce opposition. Je suis Jean 44 ans, libéral. Ma femme, Guylaine, 42 ans, péquiste. Des fois on se chicane. C’est triste, mais quand je vois mon petit dernier sourire je me dis qu’on est heureux, malgré tout.
L’opposition de la roche dans le front ne semble pas être appréciée. L’opposition de brûler les jabots et les toges. L’opposition d’envoyer Hobbes se faire voire chez les Grecs. L’opposition à ton plasma dans mes yeux. L’opposition à la tolérance comme vertu. L’opposition au compromis comme qualité populaire. L’opposition à cette opposition incestueuse. L’opposition à des millénaires à partager la même couche. Ça reste en famille.
Alors voilà. On minimise l’événement. Chose qui représente le peu de ce qui reste d’espace public véritablement démocratique. Pas un studio. Pas un film sur la vie encore plus plate que la tienne de quelqu’un qui te ressemble et dont le seul plaisir est de ne pas exister. Ce n’était pour le plaisir, c’était pour leur dire. Qu’on est des vraies personnes et que leur portes on va les défoncer, en égratignant les lustres au passage. Que leurs lustres sont à nous. Mais tout le monde s’en fout. Après les nouvelles, c’est Virginie. J’ai déjà hâte. À 19 h30 je me pends.
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