13 oct. 2007

Comment s’organiser ?


P auvre gros bébé, t’as fait caca partout sur toi ? Ah… Pauvre bébé, c’est sûr que c’est pas aisé d’être fait de la plus rouge des chaires, de la plus crue et dure des couennes. Parfois le stress ouvre une brèche dans ta vigilance, c’est normal quand le sort de la masse prolétarienne repose sur les bruits de suçotement de ton hochet ; c’est toujours à ce moment, et je sais que c’est vicieux, que le sphincter subversif oublie un instant son rôle d’anneau concentrique : bébé, n’oublie pas que tu es fort, c’est pas un problème de s’en mettre plein la gueule. Et puis c’est seulement en attendant de leur en mettre plein la gueule ! Ce sera à qui, le tour de baver, de se sucer le pouce et d’élaborer structurellement un pavé grossièrement usiné menant sans bifurcation vers la fin du progrès, vers la stabilité technique d’un monde libre ? Oui bébé ! Ce sera leur tour de baver, le tien d’interdire la publication du niaisage. Non, bébé, je ne suis pas des leurs, mais non ! Je suis ici, je suis ici pour t’aider… À changer ta couche d’abord, à t’indiquer pourquoi faut foutre le bordel dans la garderie, pas dans les langes de Victor, l’autre petit bébé. Quoi ? Trancher la gorge de Victor ?! Mais bébé, tu sais bien que Victor pose un regard épistémologique différent sur le réel, qu’il incline les déclinaisons de son esprit tout en courbes, sans heurt ni sang… Tu sais, Victor, c’est l’autogestion de la garderie qu’il désire…

Non. C’est vrai bébé, je m’excuse. J’oubliais que bébé fonde sa pratique sur la science, que ses constats sont observés et observables.

Tu as raison bébé. En définitive, ce qui prime et fait loi des mesures de guerre, c’est l’objectivité.

Ce qui saute aux yeux du premier des êtres de ce monde, c’est bien évidemment que de la merde ça pue, ça c’est objectif. C’est fondé, c’est concret. C’est du discours, du vrai, de la pratique théorique qui ne fabule avec rien, qui ne badine pas avec l’écrou sans mordant de la post-modernité.

Ce qui saute aux yeux du dernier des êtres de ce monde, c’est avant la fin le bordel des mots et des lettres, ce putain de foutoir de sons et de songes, ce dépotoir de poubelles pleines de dépotoirs de poubelles. Là on parle plus d’objectivité révolutionnaire, t’as raison bébé, on parle de sang qui se suce le sang, de mots en l’air. De pain d’épice aux récupérations par le capitalisme, de sucre d’orge aux articles dans Le Monde.

Tu sais bébé, Mao a dit : « Le vent du peuplier sème les pédoncules de la colère du peuple ». Quand il a prononcé ces paroles célèbres, chaque phonème était impartial et juste, palpé directement dans le sensible objectif du communisme chinois appliqué. Il y a de ces phrases qui valent, de ces phrases qui ne valent pas. C’est aussi simple que la pratique élaguée de l’arbre de la théorie, cet arbre lourd, centenaire, décédé déjà d’avoir trop poussé dans un sol trop pauvre en grains organisés.

Bébé, je comprends pas d’où émerge la structure que tu échafaudes… Quoi ? Non, c’est vrai, tu sais que tu as raison.

Parfois, bébé, j’oublie qu’objectivement, il existe un sentiment général de « non-contentement », que si tu demandes à quelqu’un : « hey l’ami, t’aimes les conditions objectives de la strate laborieuse ? », il te répond 90 % du temps « non ».

C’est avec ces statistiques qu’on gonfle les rangs, avec les chiffres qu’on fait croître le Chiffre. C’est peut-être ainsi qu’il est possible enfin d’organiser les structures afin d’en faire un tigre d’acier plutôt que de papier. « La vérité doit s'inspirer de la pratique. C'est par la pratique que l'on conçoit la vérité. Il faut corriger la vérité d'après la pratique. » La vérité, ainsi, est « objective », parce qu’avant tout, avant l’existence du monde, l’existence du réel et l’existence de l’existence, il y a l’existence de la pratique. Ça bébé, y’a pas de difficulté a problématiser ce fait scientifiquement valable. Et puis tous ont l’impression que quelque chose d’autre est possible, pour ça y’a pas à dire, tu mets le doigt sur un vrai gros problème. Pendant que tu changes de couche bébé – la tienne est à nouveau, en passant, remplie de merde –, je me dis, ben j’ose en fait, peut-être les masses sont-elles en fait les vrais héros, peut-être que ce concept existe réellement, peut-être n’est-il pas qu’une construction, peut-être… Peut-être… Je sais bien que la bouse de vache est plus utile que les dogmes, que rien ne sert de courir derrière l’élaboration de la réponse au peut-être historique.

Tu as raison, bébé, impartialement, c’est l’histoire objective qui va imposer non pas sa dialectique (sortons des pièges bourgeois de la pensée), mais sa matérialité.

Je me demande parfois à quoi bon la lecture. À quoi bon d’être là, assis sur son petit siège de bourgeois en train de lire son sale petit livre de bourgeois, bien appuyé sur sa petite échine molle de bourgeois nouvellement transformé par sa pratique bourgeoise. J’ai découvert, et ça risque de t’intéresser fort, bébé, que certains livres objectifs participent à l’élaboration du tout, à la consolidation du pôle, du grand pôle vers lequel on doit faire converger les masses et les structures, les organisations, coûte que coûte, sans plus tarder. Ce pôle qui tend vers le mieux, vers la fin de l’ère de la fin pour que s’installe le règne de la matérialité, de l’histoire, de la production libre. Ce qui est caractéristique de notre temps, c’est peut-être l’impression généralisée de désenchaînement de son rôle social, c’est-à-dire directement ce que cherchent les classes dominantes. C’est sûr, bébé, que dans ses conditions, on doit dire merde momentanément à la liberté individuelle, collective et humaine, la liberté productrice et matérielle doit venir avant dans le processus : une chose à la fois, chaque chose à sa place. C’est facile d’expliquer tout ça aux masses, surtout quand les publications y sont déjà, dans le social, disponibles, accessibles. Il est peut-être là le clash des civilisations stratifiées, entre deux pages, entre deux lignes.

En attendant que le processus soit enfin arrivé à terme, qu’on en soit à la bonne étape, on doit attendre. Attendre, certes, mais surtout mettre les points sur les « i »ntellectuels bourgeois qui continuent de réfléchir plutôt que d’agir. S’ils agissent, demandons-leur comment et pourquoi. Vers quelle pente glissante se dirigent-ils ? Participent-ils à la grande consolidation du pôle ou pas ? C’est certes, bébé, à cette étape que nous en sommes. Les bonnes vieilles méthodes orthodoxes. On doit s’assurer que tout le monde est près pour le niveau suivant, pour l’étape historique et objective suivante, telle que prévue par la pratique, et surtout qu’aucun entre tous ne s’éloigne du champ de force convergeant vers le pôle, surtout, surtout… Pour le reste, on observera lorsqu’on sera à l’étape suivante du processus révolutionnaire objectif.

« La mort d’un homme est une tragédie. La mort d’un million d’hommes est une statistique. »

- Joseph Staline

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